Découverte de l’église

L’architecture de Saint-Eustache a été l’objet des jugements les plus contradictoires : les uns révèlent une admiration passionnée, les autres la plus extrême sévérité. Le verdict de Viollet-de-Duc est sans appel ; le célèbre architecte considère Saint-Eustache comme “un amas confus de débris empruntés de tous les côtés, sans liaison et sans harmonie, sorte de squelette gothique revêtu de haillons romains cousus ensemble comme les pièces d’un habit d’arlequin”. Par son plan et sa structure, Saint-Eustache est la fille de Notre-Dame de Paris : nef flanquée de bas-côtés doubles et de chapelles, large transept non saillant à l’extérieur, choeur entouré par un double déambulatoire et une rangée de chapelles. Mais la décoration intérieure est typique de la Renaissance : classique et moderne à la fois, tel nous apparaît Saint-Eustache, dans son architecture, dans sa décoration, dans sa vie de paroisse.

Les dimensions de l’église sont imposantes : à l’intérieur la longueur est de 100 mètres, la largeur de 43 mètres, la hauteur de 33 mètres. On est saisi, dès l’entrée, par l’ampleur grandiose des proportions, la hauteur des voutes, l’accord parfait des lignes verticales et des courbes élégantes, la profondeur des perspectives.

Dans la nef, à la hauteur de la quatrième travée, nous trouvons le banc d’oeuvre, exécuté vers 1720 par Pierre Lepautre, sur les dessins de Cartaud. Ce grand morceau de menuiserie se compose d’un portique grec soutenu par quatre colonnes cannelées, avec la statue de sainte Agnès, accompagnée de trois anges. En face, se trouve la chaire dessinée par Victor Baltard.

A la croisée du transept, on peut admirer le choeur, avec ses stalles qui ont été installées après la Révolution, le maître-autel dessiné par Victor Baltard, les grandes verrières de Soulignac.

Le tour de l’église,
en partant de la chapelle de la Vierge

La chapelle centrale, fortement saillante sur le chevet de l’église, est beaucoup plus développée que les autres. Elle comportait autrefois deux étages de fenêtres : au dix-huitième siècle, les fenêtres inférieures sont condamnées à la construction du bâtiment de Moreau, au sud. Primitivement, la chapelle de la Sainte Vierge était décorée d’une riche ornementation de marbres, de boiseries et de tableaux, qui disparut sour la Révolution. Restaurée dès 1802, elle est enrichie d’une très belle statue en marbre de la Vierge, scultpée par Pigalle pour la chapelle des Invalides.

Le 28 décembre 1804, la chapelle de la Vierge est inaugurée solennellement par le pape Pie VII, venu à Paris pour le sacre de Napoléon. L’attitude de la Vierge est admirable, légèrement inclinée sur le côté droit, dans un mouvement gracieux, elle tend les mains à l’Enfant, assis sur les plis de son manteau et levant la main droite dans un geste de bénédiction. C’est au peintre Thomas Couture, le maître de Manet, qu’est confiée l’exécution des fresques de la chapelle : elles représentent la puissance d’intercession de la Vierge.

Dans la chapelle située à droite, on trouve un escalier avec balustrade Louis XVI conduisant à une porte sommée d’un fronton, par où on accède à l’actuelle chapelle Sainte-Agnès qui servait autrefois pour les messes de semaines en hiver, et à la salle des catéchismes.

Après la porte d’entrée dite de la Pointe, on trouve la chapelle des Charcutiers ; parmi les traditions de Saint-Eustache, certaines corporations des Halles ont eu leur centre religieux. Une société de charcutiers “Le Souvenir” a renoué avec le passé en adoptant la chapelle Saint-André qu’elle a embellie d’un vitrail, puis d’une œuvre d’art contemporain de John Armleder. Une messe solennelle est célébrée chaque année, au nom de la Confédération nationale des Charcutiers Traiteurs de France.

A gauche de la chapelle de la Vierge, on trouve un chef d’oeuvre : le mausolée de Colbert, par Coysevox. Le ministre est représenté ici revêtu du costume de l’Ordre du Saint-Esprit, l’épée au côté gauche, dans l’attitude de la prière : les mains jointes, longues et fines, sont admirables, le visage est d’une gravité sereine. De chaque côté du monument, une statue de femme assise : à gauche, la Fidélité ; à droite, l’Abondance.

C’est dans la chapelle suivante que nous pouvons admirer le plus beau tableau de Saint-Eustache : “Les Disciples d’Emmaüs” par Rubens ou son école. Tout, dans cette toile, témoigne d’une rare maîtrise : la physionomie du Christ, l’expression de saisissement des disciples, la tête de la vielle servante à droite, le raccourci des mains, l’étonnante nature morte de la table.

On trouve dans la chapelle Sainte-Madeleine une “Extase de la Madeleine” de Rutilio Manetti (1571 – 1636). Le sujet de ce tableau n’est pas la mort de la sainte, mais sa relation mystique avec Dieu. Sainte Madeleine est à demi étendue, soutenue par un ange, tandis qu’un autre ange se penche sur elle et lui apporte un message d’en Haut.

En 1803 fut donné à la chapelle suivante le nom de Saint-Vincent de Paul qui résida, ainsi que le rappelle une inscription, sur le territoire de la paroisse de 1613 à 1623, alors qu’il était précepteur de la famille de Gondi. La Ville de Paris a déposé ici une œuvre d’art contemporain de Keith Haring, “La vie du Christ”.

Si vous voulez davantage d’explications sur le triptyque :

Plus loin, nous trouvons un tableau de Santi di Tito (Borgo San Sepolcro 1536-1603), “L’Ange conduisant Tobie”. La chapelle suivante fut dédiée en 1805 à saint Louis, avec au-dessus de l’autel une toile du dix-huitième siècle, saint Louis en adoration devant la couronne d’épines.

Au dessus de la porte qui mène à la salle des colonnes (ne se visite pas) fut établie une tribune pour la duchesse d’Orléans, mère de Louis-Philippe. Près du pilier de la porte d’entrée, un bénitier monumental en plâtre, par Eugène Bion (1834) : le pape Alexandre II instituant l’usage de l’eau bénite.

Plus loin, la chapelle des Fonts baptismaux, aux armes de Jean de Nicolay, seigneur de Goussainville, renferme la copie d’un tableau de Rubens : “L’Adoration des Mages”.

Autrefois situées au bas du collatéral nord, deux toiles ont été déplacées en 2022, et accrochées sur des piliers encadrant le chœur, renouant ainsi avec une tradition d’avant la Révolution. Sur la gauche, on peut contempler “l’Adoration des Bergers” d’Etienne de La Vallée-Poussin (1735-1802), autrefois attribué à Ménageot (1744-1816). Sur la droite, on pourra admirer le grand tableau de Simon Vouet (1590-1649) : “le Martyre de saint Eustache“. Cette œuvre avait été commandée à l’artiste par Richelieu, pour le maître-autel de Saint-Eustache ; elle était complétée, à sa partie haute, par “l’Apothéose du saint martyr”. L’ensemble fut enlevé de l’église, les deux parties séparées. La partie haute est envoyée au Musée de Nantes, où elle se trouve encore, l’autre partie entra dans la fameuse collection du cardinal Fesch, appartint ensuite à un monsieur Moret qui, en 1855, la céda à la Ville de Paris pour la remettre à l’église.

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