2 novembre 2018 Editoriaux hebdomadaires2 Minutes

Nous subissons dans notre société actuelle une véritable injonction au bonheur. Certains la nomment Happycratie ! La tyrannie du bonheur. Le bonheur en question consistant à se réaliser soi-même. Et chacun est appelé à trouver sa recette, oubliant que le bonheur est un état fugitif et fragile. Mais n’ayez crainte, des coaches, des livres de développement personnel, des applications de téléphone, des massages ou des thérapies peuvent nous apporter la solution. Avec la réserve que cette quête perpétuelle du bonheur fera surtout celui d’une industrie lucrative, d’une vision individualiste de notre société… et de nous des pigeons. Peut-être même des pigeons malheureux ! Il y a donc de quoi se méfier de cette page de l’évangile de saint Matthieu lue le jour de la Toussaint, les Béatitudes : heureux ! heureux ! heureux ! heureux ! Mais attention, ne pas confondre, ce n’est pas une injonction, c’est une annonce, voilà toute la différence. Quand Jésus annonce que le Royaume de son Père arrive avec lui, il décrit le bonheur de ceux et celles qui n’attendaient plus rien de la vie, mais dont la vie est retournée du bon côté quand ils le rencontrent. Ce texte n’est pas « sacré » au sens propre, il ne parle pas de Dieu, il est au contraire très humain, peut-être trop humain, il parle des hommes et des femmes que Jésus aime. C’est cela la révélation, le bonheur est là où la société ne l’attend pas, dans le cœur des hommes et des femmes saisis par l’amour, l’amour que leur porte Jésus dans les évangiles, mais bien sûr aussi l’amour que nous nous portons les uns les autres dans nos vies. Alors suffit-il d’aimer quelqu’un pour le rendre heureux ? Et si on essayait ? Si on se détournait des porteurs de haine qui envahissent notre espace vital pour imposer leurs peurs et leurs menaces, leurs idées et leurs intérêts, leurs discriminations et leurs condamnations. Si on se détournait de leur hatredcratie ?

Jacques Mérienne, prêtre du diocèse de Paris.