Première lecture du samedi 21 octobre 2023 (Rm 4, 13.16-18)

 

Frères,

ce n’est pas en vertu de la Loi

que la promesse de recevoir le monde en héritage

a été faite à Abraham et à sa descendance,

mais en vertu de la justice obtenue par la foi.

Voilà pourquoi on devient héritier par la foi :

c’est une grâce,

et la promesse demeure ferme

pour tous les descendants d’Abraham,

non pour ceux qui se rattachent à la Loi seulement,

mais pour ceux qui se rattachent aussi à la foi d’Abraham,

lui qui est notre père à tous.

C’est bien ce qui est écrit :

J’ai fait de toi le père d’un grand nombre de nations.

Il est notre père devant Dieu en qui il a cru,

Dieu qui donne la vie aux morts

et qui appelle à l’existence ce qui n’existe pas.

Espérant contre toute espérance,

il a cru ;

ainsi est-il devenu le père d’un grand nombre de nations,

selon cette parole :

Telle sera la descendance que tu auras !

 

Méditation : « Espérant contre toute espérance, il a cru »

 

Page grandiose de la Lettre aux Romains, c’est-à-dire à la communauté des disciples de Jésus, d’origine juive mais résidant dans la capitale de l’Empire. On sait que cette épître a beaucoup marqué Luther au 16e siècle. Elle rappelle à ceux qui pensent gagner leur paradis à la force des poignets et par les mérites de leur vie religieuse et morale qu’il n’en est rien : la source du salut est ailleurs, elle ne réside pas dans cette accumulation de points. Ce qui nous rend justes aux yeux de Dieu c’est la foi, comme pour Abraham : « Voilà pourquoi on devient héritier par la foi : c’est une grâce. » C’est un don, un cadeau et non un salaire, une récompense.

 

La grâce est première : c’est-à-dire l’amour et le don gratuits de Dieu. Notre vie n’est qu’une réponse à cette initiative première, et nos bonnes œuvres sont donc gratuites elles aussi, leur valeur ne réside que dans cet échange d’amour, sans revendication, sans calcul, sans rancœur non plus, lorsque le quotidien est rugueux et que le ciel semble silencieux.

Si la foi nous justifie aux yeux de Dieu, elle ne peut donc se limiter à un catalogue de croyances, à une liste d’articles : elle a un lien vital avec notre désir profond. Pour le dire en termes augustiniens, mais aussi modernes : croire, c’est ne pas céder sur son désir. C’est vouloir révéler son vrai visage, à la hauteur de l’amour de Dieu, aller au bout de son désir et de sa lumière. Toutes nos fautes morales sont alors des manques de foi en notre vrai visage, notre vrai « moi ». Et la foi n’est rien d’autre que la reconnaissance de notre désir (dont l’objet se dérobe toujours lorsque nous retombons dans l’attirance pour nos vieilles idoles). Jésus-Christ, le vrai maître intérieur, nous accompagne et nous guérit dans cette reconnaissance et cette assomption de notre désir authentique. N’ayons pas peur de désirer !

 

Jérôme Prigent, prêtre de l’Oratoire