Nous avons lu lundi le récit de Jésus montrant à ses disciples une pauvre veuve mettant tout ce qui lui restait dans le tronc du temple. C’est un signe, que lui seul a pu découvrir, que « tout est accompli », c’est le signe de la fin, elle donne ses dernières piécettes parce qu’elle passe à autre chose. Ce signe anecdotique et infime annonce pour Jésus la fin du monde. Et nous lisons à la suite cette semaine le « discours eschatologique  (Lc 21, 12-19, texte du jour)». Selon les évangiles Jésus s’adresse à ses disciples (Lc 21) ou à la foule anonyme (Mc 13), mais cela revient au même. Tout cela va se dérouler sur deux plans simultanés, d’une part la catastrophe et la souffrance, Jésus d’ailleurs conseille de fuir, d’autre part la victoire, et le peuple de Dieu dans la gloire : « Que résonnent la mer et sa richesse, /le monde et tous ses habitants ; /que les fleuves battent des mains, /que les montagnes chantent leur joie (Ps 97) ». Bien entendu Jésus n’a jamais prononcé un tel discours apocalyptique, même s’il en a fourni les éléments, il s’agit d’une composition des premières communautés judéo-chrétiennes. Ces communautés ont tout de suite ressenti le paradoxe de la mission, annoncer l’Évangile du bonheur et de la joie dans un contexte de pauvreté et de violence, voire de guerre, doux dans la douleur et violent dans la joie. La foi permet au croyant de découvrir le salut dans la détresse, les siècles de mystique chrétienne ouvriront de multiples pistes dans ce sens, mais hélas aussi des siècles de morale convertiront le paradoxe en couple culpabilité – récompense, la récompense étant d’ailleurs toujours repoussée à plus tard, voire dans l’au-delà… Nous n’en sommes plus là, beaucoup de gens autour de nous dans la crise actuelle et le confinement, retrouvent le paradoxe d’une vie plus saine, puis plus sainte, dans le mode de vie qui nous est imposé, que d’abord ils subissent puis peu à peu maîtrisent. Une amie m’écrit : « Tout cela parait dérisoire actuellement mais je me réjouis d’entendre les enfants rire et chanter et mon cœur se serre quand ils pleurent ». « À quelque chose malheur est bon » dit le proverbe, « l’homme au cœur pur et aux mains innocentes obtient du Seigneur la bénédiction/ et de Dieu son sauveur la justice » dit le psaume. Luttons, luttons et chantons à tue tête pour que la violence de la souffrance nous ouvre à la plénitude de la joie.

Illustration du père Jacques Mérienne