12 avril 2020 Méditations Saint Eustache12 Minutes

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Chers Frères et sœurs,

Chers amis, 

Quelques mots d’un sermon de Saint Jean Chrysostome pour commencer : 

« Que tous ceux qui cherchent Dieu et qui aiment le Seigneur viennent goûter la beauté et la lumière de cette fête ! Que tout serviteur fidèle entre avec allégresse dans la joie de son Maître ! Que celui qui a porté le poids du jeûne vienne maintenant recevoir le denier promis ! Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive aujourd’hui son juste salaire ! Quelqu’un est-il venu à la troisième heure ? Qu’il célèbre cette fête dans l’action de grâce ! Que celui qui est arrivé seulement à la sixième heure soit sans crainte : il ne sera pas frustré. S’il en est un  qui a attendu jusqu’à la neuvième heure, qu’il s’approche sans hésitation ! Et même s’il en est un qui a traîné jusqu’à la onzième heure, qu’il n’ait pas peur d’être en retard !

Car le Seigneur est généreux : il reçoit le dernier aussi bien que le premier ; il accorde sont repos à celui qui s’est mis au travail en fin de journée comme à celui qui a peiné tout le jour. Au dernier il fait grâce et il comble le premier ; à celui-ci il donne, à celui-là, il fait miséricorde. Il reçoit le travail et il accueille avec amour le désir de bien faire ; Il reconnaît le prix de l’action mais il connaît la vérité de l’intention.

Aussi bien, entrez tous dans la joie de notre Seigneur ! Et les premiers et les seconds, soyez comblés. Riches et pauvres communiez dans la joie ! Avez vous été généreux ou paresseux ? Célébrez ce jour ! Vous qui avez jeûné et vous qui n’avez pas jeûné, aujourd’hui, réjouissez-vous ! (…) »

Et on pourrait lire le texte en son entier : il est traversé d’un incroyable enthousiasme (au sens le plus littéral : « traversé d’un élan divin ») qui dit toute la force de la Pâque.

Reste que le matin de Pâque, si l’on revient au réel concret et à l’expérience de ceux et celles qui l’ont vécu, le matin de Pâque c’est d’abord un réveil lourd. Réveil des disciples au lendemain de la mort du Seigneur. Réveil de Marie-Madeleine, le cœur embrumé de toutes les tristesses d’un lien perdu corps et biens, dans les méandres de l’absurdité de la vie, les impasses de la fausseté des hommes et le cul-de-sac sans retour de la mort- pour-toujours.

Le réveil du matin de Pâque est bien un réveil lourd. Ceux et celles qui le vivent ne sont en rien prédisposés à une quelconque « bonne nouvelle »… Qu’est ce qui pourrait les consoler de ce qu’ils viennent de vivre ? Qu’est ce qui pourrait les consoler de la perte du Seigneur ? On ne voit vraiment pas.  Et on ne voit vraiment pas parce qu’aucune bonne nouvelle ne tient lorsque le malheur a mordu ou lorsque la mort a frappé. Passée la frontière de la mort, de retour il n’y en a point.

C’est dire l’“improbable”, au-delà de tout mot, qui va faire irruption « ce matin là ». Si improbable qu’il faudra du temps pour l’accueillir, y faire droit et plus encore pour le « comprendre » (ici les guillemets s’imposent !) et en saisir le sens et la portée. Tout d’abord ce sera un message balbutiant, qu’on répète comme lorsqu’on répète quelque chose dont on n’est pas sûr ou que l’on n’est pas sûr d’avoir compris. Ainsi Marie-Madeleine aujourd’hui, dans cette page d’Évangile : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé ». N’est-il pas frappant qu’il n’est ici de certitude que ce qui concerne la mort (le tombeau)… Après, dès que le corps disparaît, on entre dans le monde incertain de l’étonnement hébété et des conjectures… Ainsi des premiers témoins du « tombeau vide », Pierre et Jean. De Jean seul on nous dit qui’ “il vit et il crut”. Les quelques versets d’évangile que l’on a lus permettent de se représenter un peu ce qu’il a vu. Quant à ce qu’il a cru… voilà qui ne peut que nous laisser songeurs… Oui, au fait, y avez-vous songé ? : Qu’a-t-il cru exactement ?

Au matin de Pâque commence une aventure de foi. La résurrection n’entre pas dans la vie du monde et pas davantage dans la vie de chacun, chacune,  de nous par la grande porte de l’évidence qui chasserait toute brume de doute et nous laisserait sans question. Non. Ce n’est pas tant « la résurrection » du reste qui se présente au premier chef. C’est plutôt le Ressuscité, Celui qui va offrir à Marie-Madeleine avant tous les autres (on ne saurait trop le souligner !) la première rencontre qui sera une invitation à la foi, une invitation à ajouter foi à l’in-croyable. Cet incroyable qui tient en une phrase, simple : celui qui était mort est vivant. 

Il faut le redire : au principe et au cœur de notre foi, de génération en génération, c’est cette annonce-là qui est portée et proposée à l’assentiment de tout un chacun. Et ceux et celles qui donnent l’“Amen” de leur foi à cette proposition savent bien qu’il s’agit pour eux de vivre désormais leur vie sous le signe  d’une découverte sans cesse approfondie de ce que signifie « ressusciter avec le Christ », « vivre en ressuscité »… On pourrait ici énumérer toutes les expressions qui émaillent l’enseignement de Paul, lequel nous indique que la résurrection affecte notre vie ici et maintenant. L’espace de la résurrection ce n’est pas celui de la fiction. Le temps de la résurrection ce n’est pas le futur ultime et lointain – qui demeure pourtant l’horizon – mais c’est bien le présent. Le passage de Paul aux Colossiens que nous lisons en seconde lecture ce jour de fête le proclame nettement : « Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en-Haut… ». « Vous êtes ressuscités ! », dit bien saint Paul.

Chaque année la Pâque revient comme une fête et une fête qui compte. Elle nous fait passer par les moments sombres de la passion et de la mort et cela parce que la Pâque du Seigneur est une geste de combat et de victoire. La séquence de Pâques (le Victimae paschali) le chante : « Mors et vita duelo conflixere mirando » : « la vie et la mort se sont battues dans un combat sans merci ». Point d’idées ici. Point de théories. Point de grands discours. Seulement l’engagement du Seigneur qui « donne sa vie pour la vie du monde ». Seulement le Seigneur qui pose un geste d’amour absolu et de portée infinie pour que chacun, chacune et le monde entier et la Création tout entière puisse y puiser force et espérance dans tous les combats qui sont toujours à mener.

De ces combats, quelques uns sont davantage présents à notre esprit. Ce sont ceux avec lesquels nous sommes aux prises en ce moment. Nous ne les oublions alors que nous confessons le Ressuscité. Au contraire ! Et nous pouvons puiser dans notre confession de foi force et lumière lorsque les jours se font trop lourds. L’annonce de la Pâque est toujours affectée d’un coefficient de gravité au motif on ne plaisante pas avec la mort. Mais le Seigneur est là qui invite chacun à la rencontre, comme pour Marie-Madeleine, dans le jardin du premier matin de la Création nouvelle. Il invite chacun, chacune à la rencontre et à l’aventure de la foi pour mener les combats de la vie et de ce monde sous le signe de l’espérance que lui, le Seigneur donne et que seul il peut donner. On se souvient du dialogue entre Marthe, la sœur de Lazare et Jésus : « Je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? » – demande Jésus. Et Marthe de répondre : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu qui vient dans le monde ». Et chacun comme Marthe se trouve interrogé par le Ressuscité et invité à donner  l’aquiescment, L’Amen de sa foi.

Nous pouvons conclure avec les mots de l’oraison de ce jour :

Aujourd’hui, Dieu notre Père, tu nous ouvres la vie éternelle par la victoire de ton Fils sur la mort, et nous fêtons sa résurrection. 

Que ton Esprit fasse de nous des êtres nouveaux pour que nous ressuscitions avec le Christ dans la lumière de la vie.

Christ est Ressuscité ! 

Il est vraiment Ressuscité !

A tous et à toutes, à chacun et à chacune, de tout cœur, dans ces temps si particuliers, une très belle fête de Pâques !

Amen. Alleluia.

Quête

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