Le Confinement a mis en pleine lumière les invisibles qui portent et supportent littéralement notre société, ceux sans qui notre monde s’écroulerait car il ne fonctionnerait plus même dans ses plus petites parties. Mais il a fait apparaître aussi d’autres invisibles, ceux dont toute l’activité du jour consiste à essayer de trouver comment survivre demain, qui sont apparus bien plus nombreux que ce que l’on croyait. Pour eux le Diocèse et la Ville de Paris ont sollicité paroisses et associations en urgence, bien entendu nous avons répondu présent et les bénévoles de la Soupe saint-Eustache ont prolongé leur engagement hivernal avec dynamisme et sérieux. Le confinement, premier épisode la crise sanitaire que nous traversons, nous a donc ouvert les yeux, il a changé notre regard sur le monde dans lequel nous vivons au quotidien, rien que ça ! Nous voyons mieux la somme de dévouements hélas souvent méprisés ou ignorés dont nous dépendons, tant pour notre vie quotidienne que pour notre santé ; mais aussi, autre volet, la détresse silencieuse de ceux qui se débrouillent au jour le jour, dont une partie fait bonne figure pour ne pas sombrer, par exemple travailleurs précaires ou personne âgées isolées, et dont une autre partie finit par cesser de jouer le jeu social et ne luttent plus que pour ne pas couler ; malheureusement tous ne savent pas nager. Le confinement a donc été l’heure de vérité de la fraternité, rien que ça ! Que tous soient frères et sœurs, qui peut maintenant le nier ? Ce mot « fraternité » à la fois évangélique et civique, a pris un poids soudain car il est redevenu très concret, notamment pour tous ceux qui depuis le début distribuent tous les jours 180 sacs de repas froids, un minimum, depuis le local de la Pointe. Même si ce service ne pouvait se poursuivre durant l’été faute de troupe, la fraternité que nous avons réveillée de manière aiguë demeurera le cœur battant de notre communauté ; nous le devons à ceux qui comptent sur nous, nous le devons à nous-mêmes pour ne pas étouffer en nous la source de tout amour, rien que ça !

Jacques Mérienne
Prêtre du diocèse de Paris à l’église Saint-Eustache

Photo Distribution alimentaire à La Pointe Saint-Eustache © Virginie Sirioux