23 septembre 2022 Editoriaux hebdomadaires4 Minutes

Fêter un siècle de vie ou de présence dans un lieu présente le risque de faire visiter un musée dont les objets entreposés sont déconnectés de toute actualité, de toute signification… Il devient alors difficile d’explorer comment les récits, que l’on tire de cette histoire passée, peuvent être explorés comme autant de ressources pour habiter et nourrir dans la foi les questions de notre temps.

Devant le défi de « l’archipel français », repérable à bien des égards tant au plan sociétal, social, parisien, qu’ecclésial (la connaissance ou l’ignorance des chants des répertoires, selon « la chapelle » que l’on fréquente, en est un bon marqueur), il est heureux que la paroisse Saint-Eustache fasse le choix d’être un lieu de rassemblement des diversités qui caractérisent la société française aujourd’hui.

À travers l’hospitalité ainsi accordée à cause de l’Évangile et au nom d’une mission reçue de l’Église, la paroisse Saint-Eustache, rassemblée autour de son Seigneur mort et ressuscité, se présente comme une figure du Règne de justice et de paix prêché par Jésus de Nazareth.

Par-delà les bouleversements qui ont radicalement affecté notre société et le quartier des Halles au centre de Paris depuis 1922, comment ce choix rejoint-il celles et ceux qui de génération en génération se mobilisent pour participer à ce rassemblement ? Les motivations sont elles-mêmes variées qui vont de la qualité des célébrations liturgiques, à l’écoute de la Parole dans l’ouverture aux questions du temps, à l’hospitalité accordée à celles et ceux qui, vivant dans la rue ou dans des conditions éprouvantes, comptent sur la solidarité paroissiale et l’estime qu’elle leur prodigue, à la beauté vivante d’un bâtiment par lequel la médiation culturelle favorise et renouvelle un rassemblement qui déborde les frontières de l’Église elle-même.

Ces médiations d’un rassemblement qui nous dépasse sont autant d’étincelles qui font éclater la tentation illusoire d’un entre-soi identitaire qui nous protègerait de l’inconfort produit par les bouleversements que nous vivons. Liées ensemble plutôt que juxtaposées, elles sont autant de ressources puisées dans l’histoire de la paroisse, pour chercher ensemble comment le mystère de la foi peut continuer à faire signe aujourd’hui dans nos existences malmenées.

Un tel choix n’est probablement pas complètement étranger à la marque de l’Oratoire, dont les prêtres sont, avec leur diversité, membres d’une communauté. Aujourd’hui, ce choix ne l’est sans doute pas non plus à la composition d’une équipe presbytérale dont les membres eux-mêmes sont reliés à des traditions spirituelles et des statuts religieux différents : membres d’une société de vie apostolique (oratoriens, eudistes), d’une congrégation religieuse (dominicains) et du presbyterium du diocèse de Paris. Par-delà la pauvreté et la fragilité dont cette diversité est aussi le signe, elle atteste aussi de la volonté de servir ensemble un mystère qui nous dépasse, celui du Verbe de Dieu qui s’étant risqué à venir au monde en se faisant l’un de nous, continue de susciter un rassemblement par lequel son Évangile demeure une Parole de vie adressée à chacun, en particulier celles et ceux qui cherchent un chemin pour renaître à l’espérance.

François Picart, supérieur général de l’Oratoire