2 juillet 2018 Editoriaux hebdomadaires4 Minutes

Le 8 juillet prochain, à Rome, le Vatican consacrera une conférence au sujet des « investisseurs à impact », expression désignant les entreprises qui à travers leurs investissements cherchent à conjuguer rentabilité financière et impact positif sur l’environnement et la vie sociale : investissements dans des banques de microfinance, dans le commerce équitable ou encore l’agriculture biologique. Si le fait qu’un dicastère s’intéresse à un tel sujet peut surprendre, c’est que jusqu’à récemment avec la publication de l’encyclique Laudato Si du Pape François, l’Eglise et ses ministres ont été relativement silencieux sur le sujet de l’entreprise moderne. Or, un grand nombre de nos paroissiens sont en activité, et nombre d’entre eux consacrent une très grande partie de leur temps, de leur imagination et de leur bonne volonté à faire réussir des entreprises, non sans percevoir que certaines de leurs décisions ou actions s’opposent à une démarche chrétienne.

Tenter de réconcilier vie en entreprise et démarche de foi n’est en rien évident. Lors de la création du Groupe Jeunes Adultes il y a 9 ans, nous avions voulu consacrer une de nos premières soirées à la question que nombre de jeunes se posent et qui s’avéra bien difficile : comment être chrétien dans l’entreprise ? Si la question était alors de savoir comment vivre ces contradictions entre nos aspirations individuelles et le comportement brutal des entreprises, celle qui m’intéressa au cours de ces dix dernières années fut de savoir s’il est possible de renverser cette opposition: l’entreprise, qui s’est imposée comme un modèle d’efficacité, peut-elle mettre cette même efficacité dans la résolution de problèmes sociaux ou environnementaux? A l’invitation du Père Nicholson, je vins présenter dans le cadre des conférences paroissiales sur Laudato Si, l’activité qui est la mienne depuis une dizaine d’années au sein d’une entreprise cimentière, à savoir développer des nouvelles activités commerciales permettant aux plus modestes, dans une quinzaine de pays émergents, d’accéder à un logement abordable : solutions de microfinancement aidant des familles à construire progressivement, nouveaux types de matériaux moins chers adaptés à la réhabilitation des bidonvilles ou à la construction dans les pays pauvres. Au-delà du cas présenté, ce que je tentai de faire passer est que cela est possible, sans naïveté mais non sans difficultés et limites certaines, de mettre au cœur d’un projet économique la résolution d’un problème de société.

A notre époque dominée par le fait économique, la foi chrétienne et l’entreprise ne peuvent plus se concevoir comme cloisonnées par un mur qui séparerait l’intime du collectif: l’entreprise est un sujet de questionnement chrétien. « L’aliénation de notre monde aux valeurs économiques correspond à un besoin actuel de sortir d’un état de misère. Mais cette obsession devrait un jour cesser. Nous ne serons pas toujours soumis aussi étroitement à une nécessité économique qui nous étreint et nous écrase. » Celui qui écrivit ces lignes il y a 50 ans n’était pas un doux révolutionnaire, mais un dirigeant d’entreprise, Marcel Demonque, qui pensa l’entreprise en chrétien et résuma ainsi l’espérance à bâtir un autre monde. Et cette espérance peut être action, non contre ou malgré l’entreprise, mais avec elle comme moyen. « Mettre un peu de la fin dans les moyens », comme nous aimons le dire à Saint-Eustache, voilà en fait le défi que l’entreprise nous offre.

François Perrot, paroissien