Evangile du mercredi 8 mars 2023 (Mt 8, 5-11)

En ce temps-là, Jésus, montant à Jérusalem, prit à part les Douze disciples et, en chemin, il leur dit : « Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes, ils le condamneront à mort et le livreront aux nations païennes pour qu’elles se moquent de lui, le flagellent et le crucifient ; le troisième jour, il ressuscitera. »  Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils Jacques et Jean, et elle se prosterna pour lui faire une demande. Jésus lui dit : « Que veux-tu ? » Elle répondit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. » Jésus répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » Ils lui disent : « Nous le pouvons. » Il leur dit : « Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé par mon Père. » Les dix autres, qui avaient entendu, s’indignèrent contre les deux frères. Jésus les appela et dit : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

 

Méditation : une parole vivante

 Heureusement que la femme de Zébédée est présente ! Sans elle, cet épisode serait dans l’entre-soi masculin et même apostolique, un comble en ce jour du 8 mars. Comme dans de nombreux épisodes qui mettent en scène les disciples de Jésus, il y a de puissants recadrages qui se déploient simultanément dans la trame narrative et dans le contenu des paroles échangées. Ainsi, la demande initiale de cette mère attentive est gentiment déplacée. Elle cherchait un poste pour ses fils, en pensant au long terme d’ailleurs car elle confesse sa foi dans le royaume que Jésus vient inaugurer. Mais elle déclenche involontairement une leçon pour toute l’Église, mise en contraste direct avec le politique.

En réalité, en examinant le récit de près, le recadrage assez ferme de Jésus est plutôt la conséquence de la réponse rapide voire cinglante des deux fils qui, enfin, prennent la parole puisqu’il s’agit de leur avenir. « Nous le pouvons ! » En réalité, tout va dépendre aujourd’hui de la manière dont celui qui proclame l’évangile va prononcer cette phrase. La manière dont les auditeurs vont percevoir cette formule lapidaire sera directement dépendante du style oral adopté par le ministre de l’Évangile. Une telle phrase peut être affirmée avec douceur et confiance, à l’image de cette mère dont la foi au Christ nous édifie. Ou, au contraire, avec une belle forfanterie de la part de ceux qui, trop jeunes pour mesurer les ambivalences de toute existence humaine, paraissent d’autant plus sûrs d’eux qu’ils sont aveugles sur leurs propres limites. Il peut même y avoir une forme d’ironie de la part de ces deux frères qui, finalement, pourraient être assez critiques sur l’attitude de leur Maître, et tentent ici de le provoquer face au combat contre l’occupant romain.

C’est ici le caractère oral de l’évangile qui se manifeste avec évidence. Naturellement, nous sommes habitués à lire avec notre voix intérieure. On gagne beaucoup – quand on en a la possibilité sans déranger son entourage – à lire à voix haute les lectures du jour car il s’agit d’une Parole, et non d’un texte, d’une relation vivante, et non de la communication de consignes anciennes. Cette oralité des évangiles implique d’ailleurs un soin tout particulier dans la traduction mais aussi dans la proclamation car ces éléments induisent une certaine compréhension, avec le risque avéré que le traducteur, le héraut, et l’interprète prennent toute la place au détriment de Celui qui parle à son Église, l’encourage et la corrige.

Le choix du pape François d’ouvrir le ministère de lecteurs à tous les baptisés, les femmes comme les hommes, pourra nous aider à entendre d’autres harmoniques d’une Parole vivante qui est inlassablement proclamée et commentée au long des siècles. Merci aux lectrices et aux lecteurs qui, jour après jour, nous portent la Parole, et se mettent ainsi à son service.

Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire, Abbaye de Belloc (Pyrénées-Atlantiques)