Rarement un texte aura-t-il contribué autant à modifier le regard et à faire bouger les lignes en dix ans. Les déclarations des papes précédents étaient restées confidentielles ou fragmentaires. La synthèse de 200 pages signée par le pape François le 24 mai 2015 a adopté un style imagé qui donne envie de continuer à lire. Elle a atteint un large public. De très nombreux scientifiques ou décideurs politiques ou économiques l’ont lue avant la Cop 21 et l’Accord de Paris, intervenus 6 mois après.
Laudato si’ s’est présenté comme une encyclique sociale : sur la base du consensus scientifique sur la dérive écologique qui ouvre le texte, elle voit dans la planète une “maison commune”.
L’image renvoie immédiatement à la question de ses limites, à la capacité de charge de la planète, à la “grande famille humaine” qui l’habite, au fait que tout y est lié, et aux soins d’urgence qu’elle nécessite. Ayant des racines communes, les crises sociales et environnementales se renforcent mutuellement et doivent être traitées ensemble comme une unique crise.
Dans Laudate Deum, texte qui prolonge Laudato si’, Francois prend soin de préciser que les pauvres ne sont pas responsables de la dérive climatique.
Comme l’a rappelé Cécile Renouard, religieuse de l’Assomption et fondatrice du campus de la transition, “François débusque nos incohérences et nos œillères qui nous faisaient penser que des actions cosmétiques ou sectorielles suffiraient” ou croire que la technologie pourrait servir de baguette magique à l’échelle de la planète. Les leviers d’action sont donc à actionner à tous les niveaux.
En outre, si je suis tributaire de réseaux d’interactions entre de nombreuses créatures, si les arbres de l’Amazonie produisent une partie de l’eau qui constitue mon corps, l’horizon de ma responsabilité est lui aussi planétaire.
Toutes les lignes ont-elles pour autant bougé ?
Tout s’est passé comme si la société civile s’était emparée plus vite de Laudato si’ que l’Eglise : les aspects extérieurs et collectifs de cet “appel clair à un changement fondamental” pour reprendre les termes de Leonardo di Caprio, ont davantage imprimé. En revanche, comment la transformation intérieure, et la resacralisation de la création prônées par Laudato si’ sont-ils perçus ?
Xavier de Rubercy pour le groupe Eglise verte