La Messe en si mineur de Jean Sébastien Bach, Hohe Messe in C Moll, quelle affaire ! « monument spirituel », « chef d’œuvre absolu », « testament musical », « somme indépassable »… Les louanges appuyées, déclinées à l’envi depuis deux siècles et demi campent un chef d’œuvre qui, comme tout monument historique, intimide, fascine, résiste aux analyses les plus poussées, à la musicologie la plus savante.
Nouée en de mystérieuses énigmes, sollicitant la mystique des nombres, la matière musicale paraît échapper sans cesse à l’illusion momentanée d’un apprivoisement pour ouvrir aussitôt de nouveaux doutes et ouvertures vers des immensités tout juste pressenties.
Comme la vie, la pensée, l’humain, le cosmos, le temps, la foi bien sûr ? Peut-on, pourra-t-on jamais l’appréhender ? Pour Bach en tous cas, ce sera l’affaire d’une vie.
Écrite par un compositeur luthérien sur le texte latin de la messe dont elle respecte la forme ordinaire sans rien en modifier, l’œuvre mobilise un chœur, cinq solistes dont deux sopranos, un contralto, un ténor, une basse et l’orchestre, soit 25 parties, dont 10 sont des réemplois de pièces plus anciennes que Bach n’hésitera jamais sa vie durant à réutiliser en les adaptant à de nouveaux contextes.
Ainsi envoie-t-il dès 1733 comme gage d’un possible emploi à la cour de Saxe une première Missa Brevis comprenant Kyrie et Gloria, mêlant habilement pièces écrites pour l’occasion et reprises de parties de cantates plus anciennes. Tout le reste sera écrit à la fin, voire toute fin de sa vie, dans la solitude des bilans ultimes et intimes.
Rendue progressivement publique après 1750 et la mort de Bach, confiée à son fils Carl Philipp Emanuel, la partition que l’auteur n’aura jamais entendue exécutée de son vivant va connaître dès la fin du siècle le succès fulgurant que l’on sait.
Inventaire des formes léguées par le passé, transcendance de la sensibilité baroque, ouverture vers des avenirs musicaux encore insoupçonnés… Tout est désormais abondamment étudié et questionné.
Le plus simple n’est-il pas au fond de la réécouter selon sa spiritualité, sa sensibilité, son humeur, son désir de beauté, d’absolu, de transcendance ?
Eric Pardon, un chanteur de Saint-Eustache
Les Chanteurs de Saint-Eustache interpréteront la messe en si mineur de Bach jeudi 26 juin 2025 à 20h30 lors d’un concert célébrant les 80 ans de la création du chœur.