Homélie du père Jean-Louis Souletie pour le deuxième dimanche de l’Avent

Homélie du père Jean-Louis Souletie pour le deuxième dimanche de l’Avent

2ème Dimanche de l’Avent

Le voile a été levé dimanche dernier sur le mystère de Dieu fait homme, d’un Dieu qui seul est humain. Car c’est une chose vraiment sérieuse que nous attendons, et non la répétition chaque année du sempiternel évangile trop connu et finalement mal connu. C’est le secret de notre humanité que nous cherchons : l’Emmanuel, Dieu fait chair. Le voile est levé sur quelque chose qui demande à se frayer un chemin laborieusement au milieu de nos aridités et de nos asséchements comme un filet d’eau qui cherche sa route. Il s’agit de tracer droit dans les terres arides une route pour notre Dieu selon le prophète Isaïe. Nous attendons du sérieux : rien de moins qu’un ciel nouveau et une terre nouvelle selon l’apôtre Pierre. Cette annonce vient résonner aujourd’hui dans nos vies quelque peu végétatives qui nous laissent peut être insatisfaits ou résignés. Tout le temps de l’Avent cherche à assouplir nos rigidités de cœur et d’esprit pour entrevoir la modestie de l’homme Dieu dans la crèche. Il est intéressant de noter à ce sujet que Là où notre rite latin fait entendre la prophétie messianique d’Isaïe pour nous y préparer, le rite syriaque intitule les semaines d’avant Noël les semaines des annonciations, comme celle à Zacharie, à Marie, à Elizabeth, la nativité de Jean Baptiste et l’annonciation à Joseph, comme pour dire l’actualité de la nouveauté à laquelle nous nous préparons, à son irruption, la venue du ciel sur la terre.

 

Le Porche du mystère d’un monde qui vient

Le voile qui est levé sur le mystère de Noël appelle tout le sérieux de notre attention au point que c’est notre changement d’attitude qui est sollicité comme
l’était celui des foules qui venait écouter Jean Baptiste au désert. A ceux qui ne peuvent plus croire, découragés par un Eglise décevante, à ceux qui n’entrevoient plus de Dieu, l’Avent redit ce que Rilke écrivait au jeune poète : “Pourquoi ne pensez-vous pas qu’Il est celui qui viendra, qui est imminent de toute éternité, le fruit ultime d’un arbre dont nous sommes les feuilles ? Qu’est ce qui vous empêche de projeter Sa naissance dans les temps futurs, et de vivre votre vie comme l’un des beaux jours douloureux d’une grossesse grandiose ? Ne constatez vous pas que tout ce qui arrive est toujours aussi un commencement ; cela ne pourrait il être Son commencement puisque tout début est en lui-même toujours si beau ?”

L’Avent est ce porche d’entrée dans l’année liturgique et ressemble aux propylées de l’Acropole d’Athènes qui donnait accès à l’espace sacré sur lequel s’élevait le Parthénon, qui lui-même contenait la Cella où était la divinité vénérée par les Athéniens. La porte de l’Évangile de dimanche dernier nous invitait à être vigilant sur ce qui entre et sort de notre vie. L’Avent est ce porche qui nous invite à vérifier ce qu’il en est du mystère que Dieu dépose en nous comme en vases d’argile.

Ne vivons-nous pas aujourd’hui la fin d’une époque et l’Avent d’un temps nouveau ? Beaucoup le ressentent ainsi sans pouvoir le nommer. Les fatalistes sombrent dans le cynisme et les volontaristes fuient en avant sans savoir vers quoi. Un changement s’opère assurément en profondeur dans les cultures et les sensibilités de notre époque. Il est insaisissable comme l’est la glace qui se change en eau, sans qu’on puise isoler l’instant de la transformation. La déconstruction du religieux, la fragilité des colosses qu’étaient l’Etat, la science et le progrès, le bouleversement écologique aussi bien qu’anthropologique sont des signes de ce mouvement tectonique qui ébranle notre temps.

 

L’exercice d’un déchiffrement

L’avènement d’un monde est-il alors déchiffrable ? Un voile se lève-t-il déjà sur l’aurore ? Le chemin vers Noël nous exerce à donner notre réponse. Mais cette réponse n’est pas à distance, elle nous engage. Déceler ce qui arrive en ce monde, dans notre vie mobilise notre vigilance. C’est ce sens qu’aujourd’hui, par la bouche de Jean-Baptiste, l’appel à la conversion retentit dans le désert. Laissons le retentir à nouveau comme un travail de déchiffrement de ce qui advient. Que signifie-t-il durant ce temps de l’Avent ? les mots (« préparer », « ouvrir », « crier », « proclamer ») et les gestes de l’évangile (la vie au désert de Jean-Baptiste, sa vêture et sa nourriture) le disent avec force, la conversion de l’Avent est précisément une recherche de l’essentiel. L’image du tri entre le grain et la paille peut nous aider. « Le Seigneur ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. » Qu’est-ce donc alors qui, dans nos vies, mérite d’être brûlé ou tout au moins laissé de côté et qu’est-ce qui mérite d’être recueilli et cultivé ?

Au bout du compte, déchiffrer ce qui arrive dans un monde si compliqué à saisir pour s’y mouvoir, pour décider d’y prendre toute notre place, pour y vivre notre vocation singulière, tout cela demande de laisser Dieu être humain : de l’accueillir dans le mystère de la crèche, c’est à dire en ces lieux d’humanité véritable que nous fréquentons chaque jour. Ainsi l’écrivait S. Jean Eudes maître de l’école française de spiritualité dans son « Traité sur le Royaume de Jésus » : « le Fils de Dieu a le dessein de consommer en nous le mystère de son incarnation, de sa naissance, de sa vie cachée, en se formant en nous et en prenant naissance dans nos âmes par les saints sacrements du baptême et de la divine eucharistie, et en nous faisant vivre d’une vie spirituelle et intérieure qui
soit cachée avec en lui en Dieu. Aller vers Noël c’est bien vouloir que le Christ se forme en nous car « ce n’est plus moi qui vis mais c’est le Christ qui vit en moi » écrit S. Paul en Ga 2, 15-20. Ce sera notre prière aujourd’hui.

 

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