Avant cette page de Jean, nous avons entendu, en première lecture, un passage des Actes des Apôtres qui nous montre un Pierre métamorphosé.

Dans l’Evangile, celui qui, le premier est entré au tombeau, ne comprend pas immédiatement que ce tombeau est vide parce que le Christ est ressuscité, comme les Écritures, puis lui-même, l’avaient annoncé.

 

Quelques semaines plus tard, nous le retrouvons, prédicateur enflammé, qui proclame que ce Jésus de Nazareth – qui, sur les routes de Galilée, faisait le bien par la guérison et le pardon – Dieu l’a ressuscité le troisième jour, confiant à ses disciples qui ont mangé et bu avec lui après sa résurrection, mission d’annoncer qu’il est vivant !

 

Entre-temps, il y aura, au bord du lac de Tibériade, le moment où Pierre pourra se faire pardonner son triple reniement et le souffle de l’Esprit qui, au jour de la Pentecôte, enflammera le cœur des douze réunis autour de Marie.

 

Cette annonce de la résurrection sera maintenant le leitmotiv de Pierre.

Ainsi, dans sa première épître aux communautés d’Asie mineure, il écrit : « Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous. »

Paul, pour sa part, précise : “Si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ?”

Quant à Jean – le premier à avoir cru – il exprime sa foi avec une assurance tranquille : « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie ».

 

Où en sommes-nous, les uns et les autres qui recevons mission d’annoncer cette bonne nouvelle ?

Car nous sommes les héritiers de ceux que nous rencontrons dans la douceur de ce matin de Pâques : ces premiers disciples auront bientôt leur vie bouleversée, animée par une force et une espérance telles que leur message est parvenu jusqu’à nous.

 

Et, depuis 2000 ans, nous avons vu se lever des hommes et des femmes qui, chacun, chacune à leur manière, ont vu et cru, et ont témoigné dans leurs vies transfigurées.

Quelques-uns d’entre eux ont même crié leur soif de vie jusqu’à accepter de mourir pour elle.

 

Mais si l’annonce de la résurrection ranime notre espérance, elle met à mal notre rationalisme. Elle appelle à croire l’incroyable.

Saint Paul en a fait l’expérience devant l’aréopage d’Athènes.

 

Croire en la résurrection, c’est renoncer à des garanties, comme à certaines représentations réconfortantes, puisque comme on dit souvent : “personne n’est revenu pour nous en parler”.

Et ce n’est pas l’âge, qui rend la menace plus immédiate et les deuils nombreux autour de soi, qui apaise les questions…

 

Il n’est pourtant pas totalement absurde de ne pas se résigner à n’être que fruits du hasard et uniquement promis au néant

Ou – dit autrement – d’admettre, une fois pour toutes, que nous ne venons de rien pour aller …nulle part.

Un sort d’autant plus révoltant pour ceux dont l’existence semble vide de sens ; aussi bien en raison de ses conditions dramatiques que par son terme prématuré et tragique.

 

Comment ne pas espérer un Royaume pour les pauvres, les doux, les affligés, les affamés, les artisans de paix et les persécutés pour la justice… et tous les autres ?

Il n’est pas totalement absurde non plus (et les croyants ne sont pas les seuls) de rechercher quelles valeurs peuvent d’ores et déjà guider notre existence ?

 

Un sens pour leur vie était sans doute ce que cherchaient ceux qui suivaient Jésus sur les routes de Galilée.

Peu, sans doute, osaient aller plus loin dans leurs questions.

 

Il en est pourtant un dont nous parle Luc.

Ce juriste qui, un jour demanda à Jésus: « Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? »

On connaît la suite : « Tu aimeras ton Dieu et ton prochain comme toi-même. »

Et le juriste de poursuivre: « Et qui donc est mon prochain ? »

« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Victime d’une agression en chemin, il est abandonné, blessé au bord de la route.

Deux religieux passent… sans s’arrêter.

Arrive un Samaritain – l’étranger – qui lui, lui porte secours.

Lequel des trois, demande Jésus à son interlocuteur, a été le prochain de l’homme en péril ?

Celui qui lui a porté secours, répond le juriste

Fais cela et tu vivras !», conclut Jésus.

 

Croire en la résurrection, c’est oser la confiance en celui qui par sa parole et son exemple, nous apprend qu’il ne saurait y avoir de bonheur sans le souci et le soin de nos frères ; en particulier les plus en besoin de biens pour leur corps et pour leurs cœurs.

 

Le Père Romain ne nous disait pas autre chose vendredi soir :

«  Le ressuscité ne se rencontre pas de manière abstraite, mais sous le règne de la rencontre avec le pauvre, le prisonnier, le malade, l’exclu. Règne qu’il inaugure lui-même : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un des plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».

 

Croire en la résurrection, c’est oser la confiance en ce maître de vie pour aujourd’hui, pour remettre, en son amour, notre vie pour demain.

 

Comme l’écrit Teilhard de Chardin, « Plus l’avenir s’ouvre devant moi comme une crevasse vertigineuse ou un passage obscur, plus, si je m’y aventure sur votre parole. Je peux avoir confiance de me perdre en Vous. »

 

C’est cette confiance qui me permet l’audace de porter ce matin le message des premiers témoins à Jérusalem.

 

À vous, qui, hors de nos murs, cherchez le sens profond de vos vies et qui regardez peut-être nos églises comme de grands tombeaux vides parce que, serviteurs infidèles, nous mettons trop souvent sous le boisseau la lumière qui devrait éclairer nos routes…

…après Marie-Madeleine, Pierre et Jean, j’ose vous dire :

« N’arrêtez pas de chercher Celui dont nous parlons si mal ;

n’arrêtez pas de chercher Celui dont nous vivons si mal ;

car, comme le dit Isaïe, Celui que vous cherchez est infiniment proche de vos soifs ».

 

À nous, rassemblés par le message pascal…

… après Marie-Madeleine, Pierre et Jean, j’ose nous dire :

« Si, au fond de nos ténèbres, nous avons soif de lumière,

si, au fond de nos colères, nous avons soif de justice,

si, au fond de nos solitudes, nous avons soif d’amour,

si, au fond de nos morts, nous avons soif de vie…

…Celui que nous cherchons existe :

il a pour nom Jésus-Christ et nous proclamons aujourd’hui qu’il est vivant et qu’il nous veut éternellement vivants avec lui ».

 

Père Gérard Bénéteau

 

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