Première lecture du jeudi 27 février 2020

Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur. Si tu écoutes les commandements du Seigneur ton Dieu que je te prescris aujourd’hui, et que tu aimes le Seigneur ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras et tu multiplieras, le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession. Mais si ton cœur se détourne, si tu n’écoutes point et si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir, je vous déclare aujourd’hui que vous périrez certainement et que vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre où vous pénétrerez pour en prendre possession en passant le Jourdain. Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant le Seigneur ton Dieu, écoutant sa voix, t’attachant à lui ; car là est ta vie, ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre que le Seigneur a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner.

Deutéronome 30, 15-20

Méditation

La prégnance des questions écologiques invite à entendre autrement les passages bibliques consacrés à la terre d’Israël. Naturellement, de nombreux textes de l’Ancien Testament et même du Nouveau Testament donnent un statut particulier à cette zone géographique difficile à délimiter, que les chrétiens ont pris l’habitude de désigner comme « Terre sainte », expression assez curieuse en fait, mais qui peut prendre aujourd’hui une pertinence nouvelle.

La conviction fondamentale que Dieu seul est saint n’a pas empêché que ce signe radical d’altérité soit attribué à toutes sortes de réalités, à commencer par les chrétiens – désignés dans le Nouveau Testament comme les « saints » ! Naturellement, chacun peut examiner sa propre vie ainsi que celle de ses frères et sœurs dans la foi pour comprendre que la sainteté de Dieu n’appartient qu’à Lui, et ne se déploie que très partiellement dans nos propres existences. Le pays correspondant en gros à Israël/Palestine n’est saint que parce que la Terre tout entière est sainte au sens où elle appartient à Dieu seul, et n’est confiée à l’humanité que pour en assurer la transmission aux générations qui viennent et qui seront sans doute sévères sur notre comportement collectif.

Pourtant, le texte biblique dit à deux reprises « prendre possession » ce qui laisse entendre une pleine jouissance, même si elle est conditionnée par l’écoute des commandements que le livre du Deutéronome explicite. En réalité, la condition pour entrer sur cette terre est présentée de façon inhabituelle. Nous sommes habitués à entendre l’appel répété à garder les commandements que les Écritures nous transmettent. La répétition de ce motif dans les Écritures est d’ailleurs le signe concret de la difficulté d’une telle opération, non seulement parce que nos existences sont marquées par l’infidélité, mais aussi parce qu’il n’est pas si facile de déterminer concrètement les commandements que nous devons garder précieusement. Depuis des siècles, le judaïsme se nourrit de la Torah qui ne se limite pas uniquement aux cinq premiers livres de la Bible mais s’accompagne toujours d’un débat structurel autour de la pluralité des interprétations. À sa suite, mais de manière différente, l’Église et les Églises n’ont cessé de réfléchir sur la juste manière d’être au monde, honorant le nom de chrétiens que nous avons reçu au baptême.

Et le texte de ce jour donne une clé essentielle : choisis la vie, et tu vivras ! Plus que jamais, les défis écologiques nous mettent en demeure de choisir la vie, afin de la transmettre en abondance. La compréhension de ce qu’est la vie est donc conditionnée par la transmission. Qu’est-ce que la vie humaine, animale et végétale ? Telle est la question que la situation écologique pose sans cesse. La réponse chrétienne est exigeante et accessible : contre toutes les réductions économiques, la vie est ce qui se transmet et se reçoit gratuitement. Que ce Carême qui s’ouvre nous aide à redécouvrir l’écologie de la gratuité !

Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire à Paris.