Jeudi Saint

« Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Jean 13, 12-15

Méditation

« Il semble bien que non, si vous êtes tous, comme je le crois, des petits frères de mon ami Pierre.

Pierre qui m’appelle Maître et Seigneur – et il a bien raison – ça a l’air de l’étonner que je m’intéresse aux pieds des hommes en plein milieu de notre repas. C’est vrai que je m’intéresse aux pieds des hommes ! D’ailleurs, mes bons disciples ne sont-ils pas des marcheurs infatigables ? Ne les ai-je pas emmenés, depuis trois ans, dans tous les coins de ce beau pays d’Israël ? Mes douze amis sont bien les fils des hébreux du désert qui, dès qu’ils ont fini de manger la Pâque, sont partis marcher dans le désert.

C’est vrai que j’aime bien les hommes qui savent marcher, même dans le désert. Eux, au moins, ils ne s’installent pas et ils se méfient des mirages ! Ils savent le prix des choses simples, l’eau, le sel, le pain. Ils savent se tenir debout, ils connaissent le prix du silence et le prix de la parole, un renseignement pour diriger sa route, ça compte beaucoup. Ils savent qu’il ne faut pas être trop encombré.

Et puis si j’aime bien les pieds des hommes, j’aime aussi qu’ils se lavent les pieds. Enlever la poussière des pieds, c’est comme manger du pain sans levain. La poussière de la route, les champignons qui font la levure, ce sont les traces du passé qui nous salit. A quoi servent les regrets, les remords, les retours sur les fautes passées, sur les occasions manquées. De temps en temps, secouez la poussière de vos pieds, et repartez d’un pas neuf vers de nouveaux horizons.

Pierre, quand j’ai voulu m’occuper d’enlever la poussière de ses pieds, il n’a pas compris que je continuais mon enseignement. Il a mis du temps pour comprendre ; il a mis tout le temps qui sépare aujourd’hui de la Pentecôte. Pierre, à la Pentecôte, s’est décidé enfin à faire se tarir tous ses pleurs sur ma mort. Il s’est remis à marcher, il est redevenu vivant, il est sorti de son trou et il est allé dialoguer, partager avec une foule d’hommes. D’ailleurs, chaque fois qu’il faisait une rencontre, il invitait à partager du pain sans levain, pain de la route et du partage, pain de l’espérance et de l’oubli des regrets stériles.

Ce n’est pas tout ! Si j’aime les pieds dépoussiérés, j’aime par-dessus tout que vous laissiez un autre le faire pour vous. Les hommes croient toujours que si on leur lave les pieds, c’est qu’on se met à leur botte, à leur service… Ce que je cherche à vous dire, c’est que quand on vous dépoussière les pieds, c’est moi qui le fait ! Comme je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, vous devriez trouver bien que, par le service d’un homme, je vous apprenne le Chemin, celui du marcheur, que je vous enseigne la Vérité, celle de l’accueil de la parole de l’autre. Et que je vous apprenne la Vie, celle qui consiste à recevoir sans cesse des autres. Sans cesse, à tel point qu’un jour vous pourrez donner…

Si vous comprenez ce que je viens de faire, vous saurez que, partout dans le monde, mon Esprit souffle, et qu’il vous faut recevoir avant de savoir, avant de vouloir donner, avant de jouer au Maître. Laissez-vous laver les pieds par un autre, acceptez de recevoir tout ce qui est pain sans levain, tout ce qui est nourriture sans pourriture, tout ce qui est vie porteuse d’avenir, sans toutes ces marques gangrenées par vos passés où vous ne savez voir que de la pourriture.

Soyez de mes disciples, soyez des gens d’écoute, soyez des gens d’accueil, et sachez dire merci à qui vous donne le pain, à qui vous lave les pieds. Sachez rendre grâce… »

Christian Durozoy, prêtre de l’Oratoire

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Méditation biblique

Illustration : Lavement des pieds, Le Tintoret, vers 1547, Musée du Prado, Madrid