Homélie du père Michel Quesnel des 25 et 26 avril 2020

Homélie du père Michel Quesnel des 25 et 26 avril 2020

Lectures du jour : www.aelf.org/2020-04-26/romain/messe

Si l’on reconstitue le fil des événements qui se produisirent le dimanche de Pâques tels que saint Luc les rapporte, on découvre une journée particulièrement riche.

Ce sont d’abord des femmes qui viennent au tombeau de Jésus. Elles le trouvent ouvert, et le cadavre du Crucifié n’est plus à l’intérieur. Deux hommes en vêtements éblouissants leur adressent la parole et leur annoncent qu’il est ressuscité. Elles vont annoncer cela aux apôtres, mais on ne les croit pas.

C’est ensuite Pierre qui vient lui-même au tombeau. Il trouve les choses dans le
même état, puis s’en va, perplexe. Dans le récit des disciples d’Emmaüs, on
apprendra que Jésus se fera voir de Pierre dans le courant de la journée, bien que cette scène ne soit pas racontée par l’évangéliste. Mais Paul en témoigne également dans la 1 ère épître aux Corinthiens : « Il est apparu à Céphas puis aux Douze » (1 Co 15, 5). Pierre est le premier à qui Jésus a fait la grâce de se montrer ressuscité.

Vient ensuite, toujours le même dimanche, le long récit des disciples d’Emmaüs. Alors qu’ils s’éloignent de Jérusalem, les deux hommes ne sont pas informés de l’apparition dont Pierre a bénéficié. Ils savent que le tombeau a été ouvert et que le cadavre de Jésus ne s’y trouve plus : les femmes en ont témoigné, Pierre également, mais un tombeau ouvert et vide ne prouve rien. On les comprend, et on comprend leur tristesse au moment où ils sont interrogés par ce voyageur dont ils ignorent l’identité. Ils sont dans la nuit.

L’évangile de Luc se termine, le dimanche soir, par une apparition de Jésus aux Onze rescapés du groupe des apôtres, alors que les disciples qui reviennent d’Emmaüs sont encore avec eux. Et là, la lumière se fait pour tous les présents. Ce dimanche nous renvoie au premier jour de la Genèse : avec la résurrection de Jésus, nous entrons dans une nouvelle création.

Mais revenons au récit des disciples d’Emmaüs lui-même. L’évangéliste le construit comme une liturgie en pleine vie : ils sont deux, ils échangent sur ce qu’ils savent de la mort de Jésus et du tombeau ouvert, ils informent le voyageur qui les rejoint et qui se met à marcher à leur rythme, comme il le fait avec nous tous. Mais leurs yeux sont empêchés de le reconnaître, tout comme les nôtres se ferment lorsque la tristesse ou d’autres poisons nous encombrent.

Et voilà que tout s’inverse ! Le voyageur en sait plus qu’eux. Il leur adresse les
reproches qu’ils méritent. Il connaît les Ecritures juives et leur en fait un
commentaire nourri, leur proposant une véritable liturgie de la Parole. Et cela dure, apparemment jusqu’à leur arrivée à Emmaüs, le but de leur déplacement.
Ils se rendent alors compte que se laisser instruire par cet homme vaut la peine, et, tandis que lui-même manifeste l’intention de les quitter, ils le pressent de ne pas s’en aller : « Reste avec nous… » Ils se mettent à table, le voyageur bénit le pain, le rompt, le leur donne… Et l’identité de leur compagnon leur saute aux yeux : c’est Jésus, il n’est donc pas mort. Les paroles du Ressuscité et ses gestes sur le pain ont tout changé.

Pourtant, ils n’étaient pas présents le soir du Jeudi saint. On sait le nom de l’un des deux, Cléophas, on ne sait pas le nom de l’autre, mais ni Cléophas ni le disciple anonyme ne fait partie du groupe des Douze puisque, quand ils retournent à Jérusalem, ils trouvent les Onze – les Douze moins Judas – déjà réunis sur place. Ainsi ont-ils eu conscience de la présence de Jésus ressuscité uniquement à partir du commentaire des Ecritures qu’il leur a fait et d’un rite sur le pain dont ils ignoraient la portée.

L’évangéliste nous en dit beaucoup à partir de ce jeu qu’il instaure entre l’ignorance et le savoir. Il nous permet de nous mettre à la place du disciple anonyme ; ce n’est pas sans raison que son nom n’est pas donné, chacun de nous peut s’introduire dans le récit. Jésus nous invite à fréquenter longuement les Ecritures et à en découvrir des sens qui ne nous apparaissent pas à la première lecture. Profitons de la période du confinement pour y consacrer de longs moments.

L’évangéliste invite encore ses lecteurs à fréquenter les lieux où l’on bénit le pain, où on le partage, et où chacun peut le recevoir. A travers nos liturgies, nous pourrons avoir un rapport réel avec le Ressuscité, un rapport intime, un rapport nourrissant. Jésus se fait reconnaître en se donnant. Ce signe du pain qui n’appartient qu’à Jésus nous appartient aussi à nous.

Actuellement, avec le confinement, nous sommes privés de la liturgie eucharistique. Beaucoup vivent cette privation comme un grand manque. Que ce manque favorise en nous le désir d’y participer davantage quand nous pourrons de nouveau célébrer ; de vivre nos eucharisties de façon plus active ; en préparant, avant de sortir de chez nous, les célébrations auxquelles nous pourrons enfin nous rendre…

La messe, c’est un trésor qui nous est légué. Ouvrons nos mains et nos cœurs pour le recevoir. Et osons dire, avec les disciples d’Emmaüs : « Reste avec nous, Seigneur
Jésus. »

Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire à Lyon



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