Œuvre de Pascal Convert, Cristallisation #3

Homélie du P. Yves Trocheris
Prêtre de l’Oratoire, curé de Saint-Eustache

« Christ lag in Todesbanden » … Tel est le titre que J.-S. Bach donna à la cantate BWV 4 qu’il composa vraisemblablement pour le dimanche de Pâques de l’année 1707 ou de celle de 1708 à Weimar. Les paroles de cette œuvre reprennent directement un texte de Martin Luther qui pour l’écrire s’était lui-même inspiré du Victimae paschali laudes. L’évangile source de la cantate BWV 4 est le récit de la résurrection par Marc (16, 1-8) :

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus.

De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil.

Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? »

Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande.

En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur.

Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé.

Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” »

Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

La cantate BWV 4 est extrêmement travaillée. La composition musicale tout d’abord : donnée par le choral, la tonalité est y unique, avec cependant cette petite variation autour du mode dominant, un mode proche du mi mineur, au bénéfice du si mineur. Un tel usage modal produit un sentiment tout à la fois teinté d’une profonde tristesse et d’une joie toute proche à gagner sa plénitude. La mise en scène ensuite de cette cantate se déploie autour des sept strophes du cantique de Luther. Sept strophes donc, comme les sept jours de la création, ou les sept branches de la Ménorah, ou encore comme les sept dernières paroles du Christ en croix. Au terme de chacune de ces strophes, le chœur ou les chantres produisent un magnifique alléluia. Ainsi, l’acte de louange à Dieu est lui-même réitéré sept fois.

Tout de suite après l’évocation par la sinfonia d’ouverture des ténèbres dans lesquelles la mort du Christ a jeté le monde, le chœur engage le chant de la première strophe qui débute par ces mots : « Christ lag in Todesbanden » …. « Christ gisait dans les liens de la mort ». C’est précisément cette parole qui me conduit à vous proposer une homélie du Vendredi Saint fondée sur l’écoute de la musique et de quelques paroles de la cantate BWV 4. Je le rappelle, cette cantate a été composée pour un dimanche de Pâques. Elle est cependant constamment traversée par l’expression insistante de la douleur que provoque la mort du Christ. La résurrection est certes annoncée par la proclamation finale à cette strophe d’un alléluia. Cependant l’auditeur est ici invité à bien contempler, là sous ses yeux, son Seigneur gisant mort. L’intention n’est ici, me semble-t-il, nullement doloriste. Il est plutôt question de convertir la conscience du croyant à la réalité d’un combat. La réalité et la nature de ce combat sont clairement formulées dans la strophe centrale, la quatrième, de la cantate :

Ce fut un admirable combat,

quand luttèrent la mort et la vie,

et que la vie a remporté la victoire et a englouti la mort.

L’écriture l’avait annoncé,

comme une mort allait dévorer l’autre,

la mort est désormais ridiculisée.

Alléluia !

Oui, l’agonie et la mort du Christ désignent un combat ; ils désignent le combat de Dieu pour le salut de l’homme. En grec, l’agôn est la lutte : Dieu lutte pour que la vie l’emporte sur la mort et ceci de telle sorte que celle-ci soit totalement destituée de tout pouvoir. En contemplant la Passion du Christ, c’est à la mort d’un homme et à la lutte de Dieu pour la victoire de la vie que nous prenons part. Ces deux pôles de la Passion sont indissociables l’un de l’autre et le gisant déposé dans un tombeau qui sera finalement retrouvé vide en est le symbole le plus extrême. Combat de Dieu, effectivement ! car comme l’indique le premier verset de la deuxième strophe de la cantate BWV 4, seul Dieu a la force de lutter contre la mort, en se donnant lui-même, en donnant sa vie, en donnant la vie qui est à et en lui-seul.

À elle-seule la cantate BWV 4 pourrait figurer parmi la liste des passions composées par J.S. Bach. C’est un joyau musical. J’aimerais tant qu’au jour de demain, vous puissiez trouver le temps de l’écouter[1], afin d’entendre ce que nous sommes appelés à découvrir dans la célébration du Vendredi Saint : dans la mort de son Fils, Dieu a lutté pour nous communiquer sa propre vie, une vie affranchie du pouvoir de la mort. Christ gisant là sous nos yeux … Dieu combat pour nous …. il remporte … il a déjà remporté la victoire. Alléluia !

[1] Ma version préférée est celle du Thomanerchor de Leipzig dirigé par Georg Christoph Biller

 

Quête

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