19 décembre 2020 Documents d'actualité10 Minutes

La Parole de Dieu depuis trois dimanches nous a conduit à une hospitalité avisée pour découvrir le mystère de la crèche (1er Dimanche), elle nous a exercé au déchiffrement de son clair obscur (2ème Dimanche) et elle nous a entraîné à la joie qui naît du respect (3ème Dimanche). Aujourd’hui nous voilà entrés dans le discernement de Marie dans l’Annonciation. Il nous prépare à la crèche des bergers et des mages, ces voyants de la nuit. Dieu sait que l’appel qui est adressé et les événements qui sont annoncés à Marie dépassent de beaucoup les possibilités d’un simple discernement de bon sens.

 

Dieu nous considère

 

Regardons cette aurore préfigurant le firmament comme le dit le cardinal de Bérulle. Dieu la regarde et la considère : il lui envoie l’ange Gabriel. Tout acte de discernement commence par le regard que nous jetons vers Dieu en sa bonté et sa délicatesse. Nous abandonnons pour un instant tout ce qui nous a opposés à lui à cause d’un deuil inacceptable, d’une souffrance insurmontable, d’un silence de sa part insupportable. Et nous admirons sa sollicitude gratuite et généreuse. Un jour du temps, en cette bourgade de Galilée, au milieu de l’histoire humaine et dans l’immensité du cosmos il s’adresse à la jeune fille d’Israël. Il s’adresse à chacun de cette manière sans prévenir, sans pourquoi.

Dieu vient saluer Marie et lui dire qu’elle est comblée de grâce. Il l’invite à se considérer digne de la conversation avec Dieu. Ainsi fait-il avec nous. Il nous invite à regarder notre existence comme une grâce, à prendre Sa hauteur pour nous aimer nous mêmes en dépit de tout comme il nous aime : il nous voit ainsi comme il voit Marie : d’abord et avant tout comblée de grâce comme l’a perçu Georges Bernanos à la fin du Journal d’un curé de campagne : “Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais, si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ.” (Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne). Alors nous pourrons croire que le Seigneur est avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps comme l’ange le déclare à Marie : le Seigneur est avec toi.

 

 

Notre discernement

 

Visités par Dieu, considérés par lui comme aimables et aimés, assurés par lui de sa présence infrangible malgré nos refus, nous voici comme Marie… Bouleversés. Devant une telle générosité de la part de Dieu, nos certitudes s’émoussent, nos refus cèdent, nos peurs se dévoilent pour ce qu’elles sont : des leurres. Et Marie s’interroge : il s’agit d’interpréter une expérience particulière dans son existence comme un signe authentique de la volonté de Dieu et comme son appel : « Tu vas concevoir et enfanter un fils, tu lui donneras le nom de Jésus (Dieu sauve) et ….son règne n’aura pas de fin. » Quand Dieu s’approche il nous propose de considérer notre existence comme une mission unique qu’aucun autre ne peut accomplir à notre place. Le christianisme ne se vit pas par procuration. Notre existence procède de la relation singulière qu’il noue avec chacun et qu’il nous revient de reconnaître dans la foi.

C’est proprement vertigineux comme le pressent Marie : « Comment cela va-t-il se faire ? » sera toujours notre question. Ce qu’il peut y avoir d’extraordinaire, d’inimaginable, et de déraisonnable dans certains appels de Dieu ne peut être validé par le simple jeu de notre réflexion et de notre prière. Le dialogue est sa condition à l’instar de Marie qui entre en discussion avec son Dieu avant de consentir à l’impossible. Bien des appels dans notre existence relèvent de l’impossible. C’est qu’ils ont pour but d’élargir notre vision du monde et de nous-mêmes. Ils nous agrandissent sans nous boursouffler. Ils nous font mesurer très exactement que nous sommes comblés de grâce, tel le peintre dont la main vient dessiner le chef d’œuvre dont lui-même ne se savait pas capable.

 

 

Approcher de la crèche

 

Nous voici prêts pour venir à la crèche de Bethléem. Nous avons entendu que rien n’est impossible à Dieu, pas même de se faire homme. Nous avons accepté d’en mesurer quelque peu les conséquences pour nous-mêmes. Nous ne fuyons plus devant ces appels intérieurs si souvent repoussés par faiblesse et tiédeur. Nous osons vivre plus que survivre. Nous voulons bien les entendre, ces appels, les soupeser dans un vrai discernement sans savoir où ils nous conduiront, à quelle responsabilité ils nous attacheront. Nous avons secoué les objections comme on le fait avec le tamis pour trier l’or parmi les cailloux. Nous avons cru comme Marie que Dieu dit vrai et qu’il ne ment pas, qu’il ne triche pas et qu’il s’engage lui-même lorsqu’il nous confie une tâche impossible.

 

Nous pouvons approcher sereinement du mystère de la crèche où se tiennent Marie et Jésus. Alors nous verrons en elle ce que le cardinal de Bérulle méditait déjà dans ce XVIIème de l’école française de spiritualité « Marie, cette âme sainte et divine, est en l’Église ce que l’aurore est au firmament ; elle précède immédiatement le soleil, mais elle est plus que l’aurore, car elle ne le précède pas seulement : elle le doit porter et enfanter au monde et donner la Vie, le Salut, la Lumière à l’univers, et y produire un Soleil levant, dont celui qui nous éclaire n’est que l’ombre et la figure. La terre, qui méconnaît Dieu, méconnaît aussi cet ouvrage de Dieu en la terre.

 

Marie naît à petit bruit, sans que le monde en parle et sans qu’Israël même y pense, bien qu’elle soit la fleur d’Israël et la plus éminente de la terre. Mais si la terre n’y pense pas, le ciel la regarde et la révère comme celle que Dieu a fait naître pour un si grand sujet, et pour rendre un si grand service à sa propre personne, c’est-à-dire pour le revêtir un jour d’une nouvelle nature.

 

Et ce Dieu même qui veut naître d’elle, l’aime et la regarde en cette qualité. Son regard n’est pas alors sur les grands, sur les monarques que la terre adore; mais le premier et le plus doux regard de Dieu en la terre est vers cette humble Vierge que le monde ne connaît pas : c’est alors la plus haute pensée que le Très-Haut ait sur tout ce qui est créé. Il la regarde, la chérit, la conduit comme celle à qui il veut se donner soi-même, et se donner à elle en qualité de Fils, et la rendre sa Mère. Ainsi soit-il. »

 

Cardinal Pierre de Bérulle (1575-1629)

 

 

Père Jean-Louis Souletie
Doyen de la faculté de théologie de l’Institut catholique de Paris

 

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