Cette phrase de l’hymne aux Philippiens qui fut lue durant la messe des Rameaux peut devenir l’axe de toute notre démarche spirituelle lors de cette nouvelle fête pascale que nous allons vivre : « Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers » (Philippiens 2,6-11). La croix, du début de la semaine pascale jusqu’à son terme, ne cesse d’être là. Rappelons en effet une chose : le ressuscité est identiquement l’homme qui a été crucifié, et crucifié selon ce que les évangiles nous le racontent.

La croix est comme inscrite dans l’identité de celui que nous proclamons : « Seigneur », et que nous reconnaissons comme le Fils de Dieu. Selon sa verticalité, la croix marque le lien entre la terre et le ciel. Prise en son horizontalité, elle manifeste toute la largeur du salut de Dieu, une étendue de sa miséricorde qui tend à l’universalité, et qui couvre toute l’histoire de l’humanité.

Dans l’histoire, la croix du Christ n’a été dressée qu’une seule fois, sous le règne de l’empereur Tibère, et là, à Jérusalem. Mais elle est le point de l’histoire qui, selon la volonté du Père, et en vertu de la libre obéissance du Fils à se laisser anéantir, doit s’épaissir selon un élan de vie qui n’appartient qu’au seul Dieu dont on peut dire qu’il est Dieu. Oui en ce moment précis de l’histoire et en ce lieu précis de Jérusalem, Dieu se révèle comme étant le Dieu à l’extrême, ce Dieu qui dans son retrait, la mort de son Fils, déploie déjà un inattendu que sera la vie éternelle accomplie en celui qui venait de mourir sur la croix.

La vénération de la croix, le jour du Vendredi saint, est un moment extrêmement insolite et extrêmement fort de notre liturgie. En traversant la nef, le célébrant découvre un crucifix et il chante à trois reprises : « Voici le bois de la croix auquel a été suspendu le salut du monde ». Puis les fidèles s’approchent de cette croix pour, avec leurs gestes, l’adorer. Ils signifient ainsi qu’ils ne sont pas simplement ces hommes et ces femmes qui ne font que passer devant la croix (nous pourrions également ajouter, devant les souffrances de notre monde), en y jetant un regard d’indifférence, voire un regard moqueur. Non, ils s’y arrêtent, la contemplent, s’émeuvent, et comprennent combien leur âme et l’humanité tout entière ont soif du Dieu sauveur.

 

Père Yves Trocheris, Curé de l’église Saint-Eustache.