« Des veilleurs qui nous regardent… »

« Des veilleurs qui nous regardent… »

Les œuvres de Christian Lapie n’ayant pu être exposées comme prévu  sur le Parvis de Notre-Dame, actuellement en chantier, le Diocèse de Paris a proposé à Saint-Eustache de prendre la relève. Le Collège visuel, présidé par son curé, au regard de la qualité du travail de l’artiste  reconnu internationalement et du sens que pouvait prendre son œuvre dans un lieu consacré, a souhaité accueillir ses sculptures pendant le temps du Carême.

De son côté, Christian Lapie a immédiatement  réfléchi à une scénographie et à des pièces qui soient signifiantes et adaptées à notre église. Leur installation se répartit en deux temps. A l’extérieur, dans l’espace public où tout un chacun peut regarder les œuvres à son rythme. A l’intérieur de l’église, où le regard devient différent s’inscrivant dans la durée et la méditation. Ces pièces imposantes  ont demandé  toute une logistique pour les mettre en place, des démarches administratives et des autorisations préfectorales complexes qu’il ne faut pas négliger et pour lesquelles il faut remercier tous ceux qui y ont contribué.

Pour élaborer ses œuvres, l’artiste sculpte des troncs de chênes à la tronçonneuse, les sature de goudron et les passe à l’huile de lin pour les rendre imputrescibles. Leur taille monumentale perturbe notre vision, nous oblige à reculer et à élever les yeux pour embrasser la totalité de leur volume. Sont-elles des silhouettes humaines ou de simples figures offertes à notre regard ? Cette hésitation, voulue par l’artiste,  nous invite à penser au-delà du visible, à approfondir notre relation avec l’invisible et à vivre l’expérience de ce qui nous dépasse.

Toute bonne œuvre d’art s’ouvre à la lecture de chacun et nous invite à franchir le seuil de sa nouveauté. En ce temps de carême, la tension entre ces silhouettes à la fois hiératiques et déracinées, entre leur  force de tenue au sol et leur élévation vers le ciel,  ne peut que célébrer la figure du Christ mort et ressuscité. Ces troncs de chênes centenaires, arrachés à la terre par les tempêtes et les conflits, se dressent à nouveau dans l’espace pour nous rappeler aussi « notre humaine capacité à nous tenir debout ».

Leurs silhouettes transfigurées ne peuvent que nous dire avec une force tranquille que nous sommes aussi des ressuscités.

Françoise Paviot

 



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