Première lecture du lundi 07.01.2019

Bien-aimés, quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable. Or voici son commandement : croire au nom de son Fils Jésus Christ et nous aimer les uns les autres comme il nous en a donné le commandement. Et celui qui garde ses commandements demeure en Dieu et Dieu en lui ; à ceci nous savons qu’il demeure en nous : à l’Esprit qu’il nous a donné.

Bien-aimés, ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits pour voir s’ils viennent de Dieu, car beaucoup de faux prophètes sont venus dans le monde. À ceci reconnaissez l’esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu ; c’est là l’esprit de l’Antichrist. Vous avez entendu dire qu’il allait venir ; eh bien ! maintenant, il est déjà dans le monde. Vous, petits enfants, vous êtes de Dieu et vous les avez vaincus. Car Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde. Eux, ils sont du monde ; c’est pourquoi ils parlent d’après le monde et le monde les écoute. Nous, nous sommes de Dieu. Qui connaît Dieu nous écoute, qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas. C’est à quoi nous reconnaissons l’esprit de la vérité et l’esprit de l’erreur.

1 Jn 3, 22

Méditation

Les brèves épîtres de saint Jean constituent un témoignage marquant des débats internes aux premières communautés chrétiennes, et montrent aussi les critères et les moyens qui ont été pris pour réguler ces débats. L’ensemble des textes du Nouveau Testament déploie en effet la permanence de ces débats, et la communion nécessaire qui les relativise.

Dans les communautés johanniques, celles qui se retrouvent autour du quatrième évangile, de l’Apocalypse et de ces trois épîtres, il y a des traits caractéristiques qui apparaissent dans la lecture même de ces documents, attribués au même auteur malgré bien des divergences internes. L’affirmation essentielle ici est que les baptisés sont déjà sauvés, qu’ils appartiennent pleinement à Dieu, et se distinguent ainsi d’un monde qui rejette la lumière révélée par le Verbe. Le vocabulaire employé, de même que la construction des phrases, est au service d’une opposition marquée entre le groupe des disciples et le « monde ». Une telle compréhension de l’inscription des chrétiens à l’intérieur de nos sociétés fragilisées peut gêner les lecteurs s’ils ne perçoivent pas que le groupe des baptisés est loin d’être une réalité homogène et contre-distinguée de « monde ».

Le passage que nous lisons donne deux éléments décisifs, qui montrent à quel point la communauté chrétienne n’est pas située hors de l’histoire, comme protégée des influences qui peuvent gêner son approfondissement de l’originalité de la foi chrétienne. D’une part, le fait même du rappel du « commandement » essentiel de l’amour montre bien que celles et ceux qui sont déjà effectivement sauvés par Dieu le jour de leur baptême, ont encore à inscrire ce salut reçu à l’intérieur de leur propre existence, en aimant « en actes et en vérité » (1 Jn 3,18). D’autre part, il est nécessaire de savoir discerner les esprits, face au risque de dévoiement de la foi chrétienne. Un critère essentiel est donné ici qui tient à l’incarnation du Verbe de Dieu, c’est-à-dire à l’entrée de Jésus-Christ dans l’histoire et dans la chair de l’humanité.

L’insertion des chrétiens dans nos sociétés implique nécessairement des débats sur la manière d’y vivre la foi en la résurrection du Christ : le critère de l’amour apparaît comme essentiel, de même que le moyen qu’est la vérification par l’incarnation. Toute proposition qui s’écarterait de l’amour « en actes et en vérité » et qui ignorerait l’entrée dans la chair humaine se voit ainsi recadrée par l’autorité du Disciple bien-aimé, qui a vu et touché le Verbe fait chair.

Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire, Paris