Vous connaissez sans doute les trois singes de la sagesse. L’un se bouche les yeux, un autre les oreilles, et le troisième, la bouche. Je vais utiliser ce symbole d’origine asiatique pour vous souhaiter un bon été. Curieux envoi sur les routes des vacances ! Bien que ce symbole incite à ne rien voir, ne rien dire, ne rien écouter qui entraînerait au mal, (c’est l’explication habituelle de ce symbole simiesque) je vais le prendre à rebrousse-poil. Non, je ne veux surtout pas vous inciter à céder à toutes les tentations en inversant le sens de ces trois petites statuettes, rassurez-vous. Si j’inverse le sens du symbole, je réalise alors que l’on pourrait se boucher les yeux pour ne rien voir du bien qui est à faire, se clore la bouche pour ne pas proférer les paroles salutaires mais risquées pour nous, et s’obstruer les oreilles pour ne pas entendre les appels à l’aide qui nous dérangeraient.

Nos trois petits singes utilisent leurs mains pour se confiner et se protéger, préoccupés qu’ils sont à ne pas faire le mal, ce qui est louable, mais au risque de ne pas faire le bien, comme je le soulignais plus haut. Leurs mains sont occupées à autre chose qu’à rejoindre les autres, tournées vers eux et sur eux, privés de la capacité de saluer, partager, accueillir, embrasser, aimer. Où est donc leur sagesse ? Occupés qu’ils sont à se garder parfaits, propres de tout mal, ils en oublient l’essentiel de ce qui fait notre humanité et pourraient passer à côté de leur accomplissement.

Après des mois de confinement où nos yeux ont été comme bouchés, car limités dans leur champ visuel entre quatre murs ; où nos oreilles ont été quasiment obstruées, car saoulées d’infos angoissantes, récurrentes, obsédantes ; où nos paroles ont été comme ankylosées, car limitées souvent en échanges exaltés ou vains au sujet de la pandémie… voici que nous allons rouvrir les yeux, les oreilles, la bouche, retrouver un horizon de visibilité sans limite, une capacité d’écoute élargie et diversifiée, des sujets de conversation libérés de l’angoisse et du manège étourdissant des idées morbides. Nous allons aussi pouvoir retrouver ceux que nous aimons et qui nous aiment.

Ouvrons les bras, les mains, – dans la limite des gestes barrières –, et libérons nos yeux, notre bouche, nos oreilles, déconfinons et déterminons notre cœur. Vive la vacance de nos enfermements coronaviresques ! Vive les vacances ! Vive les futures rencontres, découvertes inopinées, amitiés nouvelles et inattendues. Haut les mains bouchant nos yeux, notre bouche, nos oreilles ! Bienvenue aux regards renouvelés sur les personnes, sur les choses, les événements, les sites touristiques et les panoramas ; bienvenue aux paroles réinventées dans leur acuité, leur à-propos, leur circonstance, leur fruition ; bienvenue à l’écoute attentive, prodigue, bienveillante, captivée, généreuse et clémente. En somme, à toutes et à tous, bonnes vacances authentiques, hautes en couleur.

Jean-Marie Martin, oratorien, vicaire à Saint-Eustache

PS : Une autre découverte – qui vous fera ouvrir les yeux, la bouche et les oreilles (pour le bouche-à-oreille) – une autre découverte vous attend à la rentrée, une histoire étonnante, un roman policier qui se passe à Saint-Eustache et qui nous raconte l’aventure rocambolesque de la relique de notre saint patron qui fut volée. L’histoire se passe au début du siècle dernier. Ce récit nous entraînera, entre Saint-Eustache, la Comédie Française, le quartier des Halles et l’Escargot Montorgueil, dans une passionnante aventure époustouflante à suspens : On a volé la mâchoire de Saint-Eustache – roman de Jean-Marie Martin.