19 octobre 2019 Editoriaux hebdomadaires4 Minutes

Un adage ne dit-il pas que « la fortune appartient à ceux qui se lèvent tôt » ? Je ne sais dans quelle mesure tous ceux et celles, nombreux, qui travaillent à Rungis (Marché d’Intérêt National) aux premières heures du jour confirmeraient quant à eux le dicton. Il est loin d’être assuré que ceux et celles qui se lèvent le plus tôt soient les plus fortunés. Reste que visiter ce site exceptionnel, héritier de ce qui fit la vie de notre quartier durant tant d’années, est une expérience qui vaut la peine d’être faite.
Qui met le pied dans les différents pavillons découvre une activité fébrile, intense même, mais dans laquelle chaque geste est calibré au plus précis pour atteindre une efficacité optimale. Quelques uns d’entre nous, avec le père Trocheris, ont eu l’occasion de faire le déplacement, bénéficiant de l’accueil d’un guide des plus compétent, attentif et chaleureux.

Les chiffres donnent le tournis : tout se compte en milliers, millions ou milliards. Sur un domaine de 600 hectares, à la jonction de trois communes différentes aux portes de Paris, se déploie une activité qui conditionne l’approvisionnement du voisinage immédiat, l’Île-de-France, mais tout aussi bien de la France entière comme de l’International. Vers Rungis conflue pratiquement toute la production de denrées alimentaires ou autres (de la marée, à la viande en passant par les fruits et légumes, les produit laitiers, boissons et jusqu’aux fleurs) qui finalement pourvoie aux besoins des consommateurs, privés comme professionnels.
Si les volumes de marchandises sont gigantesques (centaines, milliers ou millions de tonnes) les montants des transactions ne le sont pas moins : des milliards d’euros. Mais il y a là aussi à l’œuvre des savoir-faire spécifiques à cette implantation, et de plus inégalés : cette immense plateforme, qui ne se repose que quelques heures par jour, est une prouesse technique de chaque instant, réglée comme une horloge de précision et relevant des défis logistiques, d’organisation et sanitaires dont il faut bien reconnaître qu’ils forcent l’admiration. La performance de cette machine est telle, que les denrées les plus fragiles (notamment tout ce qui relève de ce que l’on appelle « la marée ») peuvent faire des milliers de kilomètres sur le globe pour venir être conditionnées là, à Rungis, avant que de repartir vers leur lieu d’origine ou être acheminées vers leurs clients.
Tous ces propos sont trop succincts pour rendre compte convenablement de tout ce que peut inspirer une telle visite. Il y a tant à voir ! Reste tout de même une observation qui peut rejoindre nos préoccupations les plus quotidiennes : lorsque l’on découvre une telle centrale, qui concentre tant de denrées et de biens, on ne peut douter que la prière « Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin » a été exaucée : tout est là et l’impression d’abondance est de tous les instants. Aussi bien, ultimement, une fois que tous les défis techniques ont été surmontés, une fois que tous les savoir-faire ont été mis en œuvre par quelques-uns, là, dans ce lieu d’exception, il reste le défi si simplement humain qui concerne tout le monde : que personne ne soit exclu du partage. Et comme chacun sait, ce n’est pas la partie la plus facile ! Ce défi là, reste à relever…

Gilles-Hervé Masson
Dominicain, vicaire