Entre le bœuf et l’âne, des éléments que l’on perçoit plus souvent dans notre paysage urbain que dans un décor pastoral : enseignes de banque, de presse, de cordonnerie ou de pharmacie, un caddy abandonné, un étal de fortune, une de ces petites tentes que l’on voit ici et là aux abords des voies publiques ou sous les ponts et puis des néons, sous forme de lettres, de mots, d’une étoile, d’une croix à taille humaine, de traits lumineux descendant des voutes, venant encadrer les grandes orgues et l’entrée de l’église, comme pour souligner la présence improbable de cet ensemble d’éléments disparates et précaires au milieu d’un édifice oh combien imposant et prestigieux, mais aussi au milieu d’une communauté qu’une enquête faite lors des messes cette année a dépeint comme vivant aux antipodes des réalités sociales et économiques évoquées par cette crèche, réalités qui lui sont à la fois contemporaines et éloignées.

Et pourtant, à certaines heures de la journée, les odeurs de soupe venant de l’autre côté de la grande porte d’entrée, ajoutant leur dimension olfactive à l’œuvre de l’artiste, nous rappellent que ces réalités ne sont pas si loin. Elles sont tout autour de nous, à nos portes, aux abords de l’église, et maintenant à l’entrée même de celle-ci, certes sous une forme artistique, sublimée et festive. Comme l’écrivait il y a bientôt deux siècles le père Henri Lacordaire, refondateur en France de l’ordre des Prêcheurs (dominicains), « Les pauvres habitent le vestibule du palais de Dieu ; nul ne peut voir le maître sans avoir vu les serviteurs ; depuis dix-huit siècles on essaye en vain de les chasser des portes de nos églises : ils y reviendront toujours, ils sont là pour nous instruire, ils ont dans leurs mains la clef qui ouvre le sanctuaire. »

Ainsi la crèche de Prosper Legault nous rappelle avec encore plus d’insistance cette année, qu’au-delà de l’église, de la communauté qu’elle abrite, voire de la foi qui l’anime, la Paroisse Saint-Eustache est aussi un territoire, un ensemble de réalités humaines dont sa communauté porte la responsabilité au nom de son baptême, même quand ses membres habitent au loin. Les deux confinements que nous avons vécus avec la fermeture de l’église, la suspension des liturgies et l’arrêt ou la mise à distance des activités par internet, ont paradoxalement accentué cette dimension territoriale, à travers la distribution alimentaire de jour au-delà de la distribution en période hivernale, des liens renforcés avec des acteurs politiques, sociaux et associatifs des Halles et du Centre, avec les commerçants du quartier qui apportent leur soutien aux petits déjeuners et goûters de La Pointe et de nouveau depuis le 1er décembre à La Soupe Saint-Eustache.

Tout au long des confinements, nombreux sont ceux qui ont glosé sur le retour à la normale ou sur la nécessaire invention d’un nouveau normal. En ce temps de l’Avent où la liturgie nous annonce la naissance d’un monde nouveau, nous prépare à l’incarnation du Verbe de Dieu, laissons venir habiter en nous ce petit monde de la crèche, ce monde contemporain qui nous environne, pour qu’à notre tour, nous soyons capables de proclamer à la suite du prophète Isaïe ce dimanche : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. »

Image (c) église Saint-Eustache


Saint-Eustache commente la crèche

Présentation par le père Yves Trocheris, curé de Saint-Eustache de Bienvenue dans la vi(ll)e par Prosper Legault.

“C’est comme si Jésus, en l’année 2020, s’il était amené à naître, viendrait peut-être, sans doute, sûrement naître dans ce contexte urbain et dans ce contexte de la rue qui est devenu si prégnant suite à la crise sanitaire et économique.”

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Réaction à la Représentation de la Nativité à Saint-Eustache (Père Jacques Mérienne, Noël 2020)

“Les déchets c’est une fin, c’est une frontière, là où la ville s’arrête (…) dans l’évangile, Jésus est né sur une frontière, ses parents ont quitté leur pays, ils se sont trouvés dans un village où on ne pouvait pas les accueillir (…)”

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Réaction à la Représentation de la Nativité à Saint-Eustache (Martine, Noël 2020)

“Cela évoque surtout ce qui se passe dans la rue (…) Le malheur des uns, l’aide des autres (…)”

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