Ac 13, 14.43-52 / Ps 99 (100) / Ap 7, 9.14b-17 / Jn 10, 27-30
Frères et sœurs, quatrième dimanche de Pâques, et il se trouve que ce dimanche est dit « dimanche du Bon Pasteur ». Le saint-père Léon, d’entrée de jeu, nous a invités à accueillir cet événement du conclave et de son élection dans la lumière et dans la dynamique de la célébration de ces jours-ci, de la célébration du Mystère pascal. Et si vous avez déjà plus ou moins prêté attention à ce qu’il a pu commencer de dire, il est frappant que, lui-même, est complètement porté par cette vague du Mystère de Pâques dans laquelle, à raison, nous nous complaisons et nous allons nous complaire encore pendant quelques semaines. Un nouveau pasteur.
Et il est vrai que si vous tournez les pages des évangiles ces derniers dimanches, les pages d’Évangile que nous avons entendues depuis la proclamation de la Résurrection, en passant ensuite par le « dimanche de Thomas » — « dimanche de la miséricorde », 2e dimanche de Pâques — mais « dimanche de Thomas » aussi, où le Seigneur demande à Thomas un acte de foi, un acte de confiance qui ouvre son cœur, son intelligence et toute sa vie au Mystère de Jésus, mort et ressuscité, pour nous dire son amour et nous attester l’amour du Père.
Le dimanche suivant, deuxième portrait d’Apôtre. C’était le « dimanche de Pierre ». Et là, ce que le Seigneur sollicitait de la part de Pierre, ce n’était plus un acte de foi, c’était un acte d’amour. Le mot clé, c’était « aimer » : donner ce que l’on peut donner au Seigneur qui ne demande pas l’impossible, mais lui donner ce que l’on peut lui donner, pour qu’ensuite il le fasse grandir et fructifier.
Et aujourd’hui, « dimanche du bon pasteur ». Avec cette thématique si importante, si chère à saint Jean mais qui traverse tous les Évangiles et sur laquelle le pape est déjà revenu plusieurs fois, cette thématique, plus encore, cet enjeu de l’unité. Combien de fois dans saint Jean n’entend-on pas Jésus inviter instamment ses Apôtres à être un comme lui et le Père sont un. Être un pour se nourrir de la vie du Seigneur ; être un pour construire des communautés où l’on se reconnaît, où on l’on se prête attention, être un aussi pour apporter cette paix, cette unité au monde qui en a besoin et dont nous contemplons tous les jours les fractures.
On s’en souvient, le premier mot que le saint-père a adressé à la foule, à la ville et au monde c’était : « La paix soit avec vous ! », le vœu du Ressuscité. Et c’est à cela qu’il veut nous reconduire, c’est à lui, le Seigneur, que le saint-père veut nous reconduire. Il l’a dit magnifiquement — je ne fais guère autre chose que de répéter ce que j’ai entendu et qui m’a enchanté — il l’a dit magnifiquement dans sa première homélie en tant que pape dans la chapelle Sixtine. Il parlait aux ministres ordonnés : les évêques, les prêtres, les diacres, mais il parlait au fond à tous les baptisés, il parlait à l’Église tout entière, une Église qu’il veut missionnaire, une Église dont il veut qu’elle porte le Christ. Et que disait-il ? Il nous faut purement et simplement disparaître, nous effacer, pour que seul subsiste le Seigneur. Non pas faire écran, mais conduire à ; non pas ramener à nous, mais conduire à Lui.
Et en entendant ces quelques mots du pape Léon, je ne pouvais pas m’empêcher de repenser à la Constitution conciliaire sur l’Église. Vous vous souvenez qu’elle porte un beau titre : « Lumen gentium » (La Lumière des nations). Et il suffit repenser juste à la première phrase qui donne le ton pour toute la partition qu’on va jouer ensuite en méditant le mystère de l’Église. Je cite : « La Lumière des nations, c’est le Christ, aussi bien l’Église est dans le Christ, le sacrement, c’est-à-dire le signe et le moyen de la communion intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. » « La Lumière des nations », c’est le Christ ; c’est lui qui nous illumine mais l’Église,
elle a aussi son rôle à jouer. Elle est « sacrement » c’est à dire « signe et moyen » de deux choses. La première : signe et moyen de la communion intime avec Dieu. Ça, c’est la source. Et ensuite également ça doit porter du fruit, et donc l’Église comme « signe et moyen » d’unité pour « tout le genre humain ». Encore une fois, pas pour l’entre-soi des croyants seulement mais pour le monde entier, l’humanité entière, tout ce qui peut habiter, exister, dans la maison commune.
Avoir le souci de vivre de la vie de Dieu, avoir le souci de vivre sous le signe d’un amour authentique, avoir le souci, la patience, la persévérance de construire l’unité.
Je ne m’étais pas avisé tout de suite que le pape Léon est un religieux de l’ordre de saint Augustin. C’est-à-dire que c’est quelqu’un qui vit de la règle de ce grand Docteur de l’Église. Et que dit saint Augustin au tout début de cette règle qu’il a écrite — d’abord pour des femmes et qui ensuite s’est étendue —, il pose une question parlant à ceux et celles qui sont au monastère : « Pourquoi est-ce qu’on est ensemble ? », et il répond ceci simplement : « Nous sommes ensemble pour vivre unanimes, sous le même toit, avec un seul cœur, une seule âme, tournés vers Dieu ».
« Vivre unanimes sous le même toit », dans la même maison, dans la même Église. Et c’est intéressant parce que, en latin, il y a là une petite subtilité. Il est dit : « in unum ». À la question : « Pourquoi est-ce que vous êtes rassemblés ? On répond : « In unum » c’est à dire en vue d’une unité. Il s’agit bien d’être enracinés en Dieu, et d’être tournés vers Lui. Tournés vers Lui pour se recevoir de Lui, tournés vers Lui pour se recevoir de Lui et ensuite, le partager à qui voudra bien l’accueillir.
Alors frères et sœurs, en ces jours de célébration, nous contemplons Paul et Barnabé, et nous voyons que le spectre de la prédication de l’Évangile va s’ouvrir. Il y a des refus parmi les premiers élus, on va dès lors se tourner vers le vaste monde des païens. Et qu’est-ce qui domine tout cela ? D’ailleurs c’est ce qui domine toute la geste de la Parole dans les Actes des Apôtres, c’est la joie (Evangelii gaudium), la joie de la fécondité de la Parole. Parole qui se ramène toujours à un unique et premier essentiel : accueillir la Bonne Nouvelle de la Résurrection, croire qu’elle est la résurrection du Christ, mais qu’elle est aussi pour nous et, partant, faire droit à
toutes les puissances de vie que nous portons et faire pièces à toutes les puissances de mort que nous voyons à l’œuvre dans le monde, dont nous savons être aussi être porteurs chacun pour notre part.
Demeurons dans la paix de Pâques, nourrissons-nous de la communion avec le Père, le Fils et l’Esprit ; nourrissons-nous de l’amitié du Christ pour entrer dans cette unité que Jésus proclame: l’unité du Père et du Fils, l’unité du Père, du Fils dans l’Esprit. Et redisons-le encore : l’unité dont l’Église a à vivre, elle a vocation à la manifester pour le bien du monde entier.
AMEN