BIENVENUE DANS LA VI(LL)E
PROSPER LEGAULT

 

L’église Saint-Eustache, à l’occasion des fêtes de la Nativité, renouvelle pour la cinquième année consécutive sa collaboration avec les Beaux-Arts de Paris et le fonds culturel Rubis Mécénat. L’œuvre présentée cette année a été réalisée par Prosper Legault, diplômé en 2020 des Beaux-Arts.

Son souhait a été de confronter la grande ville où nous vivons avec ses inégalités, ses codes, avec l’église Saint-Eustache et la naissance de Jésus porteuse, pour lui, de l’histoire des hommes depuis plus de deux millénaires. « Réinterpréter la nativité du Christ me force à penser aux plus démunis qui dorment dans des abris de fortune, qui essayent de gagner de quoi se nourrir en vendant des marrons, des souvenirs ou des bouteilles d’eau ».

Ses œuvres qu’il définit comme des « poèmes de rue », il les construit avec ce qu’il ramasse, ce qui a été abandonné pour leur donner une autre vie, « parce que les choses ne sont pas figées et que le monde entier peut changer par le regard qu’on a sur lui ».

La Nativité qu’il a conçue pour Saint-Eustache reprend les codes traditionnels de sa représentation tout en les transposant dans le contexte de notre époque et dans l’esprit de sa démarche personnelle. Ainsi, le bœuf et l’âne ont été dessinés d’après des motifs figurant sur des vitraux de Notre-Dame. En revanche, les trois Rois mages sont figurés par une tente, un caddie, celui du vendeur de marrons, et un étal de fruits et légumes qui n’est pas sans rappeler le bas-relief de Raymond Mason, situé dans la Chapelle des Pèlerins d’Emmaüs.

Quant au néon, ce « matériau de nuit » auquel il est très attaché, Prosper lui accorde une valeur toute particulière dans son travail. « Le jour se couche, la nuit se lève, ces lumières de néons, c’est la ville qui vit toujours, qui ne s’arrête jamais, même pendant notre sommeil ».

Des enseignes lumineuses qui ont cessé leur vie d’avant viennent donner une deuxième lecture d’un monde en perpétuel mouvement. La croix de pharmacie devient celle du Christ tout en rappelant le contexte sanitaire qui nous est imposé, l’enseigne du fastfood devient une étoile, qui peut être un repère pour les affamés mais s’adresse aussi aux chercheurs de lumière. En écho au charactère roman et gothique de Saint-Eustache, un grand mobile de néons de couleurs déploie dans l’espace une structure fragile et joyeuse qui nous invite à lever la tête et à regarder autrement.

Ainsi, Prosper Legault « scanne la ville, conduit par l’urgence d’extraire du réel des objets qui vont potentiellement disparaître demain » En leur donnant une deuxième présence, il leur donne également un sens nouveau, à nous de nous interroger, en toute liberté sur la signification que nous devrions donner à ce que nous ignorons ou ne voulons pas regarder.

 

Françoise Paviot, Chargée de l’art contemporain à la paroisse Saint-Eustache, galeriste