Première lecture du lundi 6 janvier 2020

Quoi que nous demandions à Dieu,
nous le recevons de lui,
parce que nous gardons ses commandements
et que nous faisons ce qui lui est agréable.
Or voici son commandement :
croire au nom de son Fils Jésus Christ
et nous aimer les uns les autres
comme il nous en a donné le commandement.
Et celui qui garde ses commandements
demeure en Dieu et Dieu en lui ;
à ceci nous savons qu’il demeure en nous :
à l’Esprit qu’il nous a donné.

Bien-aimés,
ne vous fiez pas à tout esprit,
mais éprouvez les esprits
pour voir s’ils viennent de Dieu,
car beaucoup de faux prophètes
sont venus dans le monde.
À ceci reconnaissez l’esprit de Dieu :
tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair
est de Dieu ;
et tout esprit qui ne confesse pas Jésus
n’est pas de Dieu ;
c’est là l’esprit de l’Antichrist.
Vous avez entendu dire
qu’il allait venir ;
eh bien ! maintenant, il est déjà dans le monde.
Vous, petits enfants, vous êtes de Dieu
et vous les avez vaincus.
Car Celui qui est en vous
est plus grand que celui qui est dans le monde.
Eux, ils sont du monde ;
c’est pourquoi ils parlent d’après le monde
et le monde les écoute.
Nous, nous sommes de Dieu.
Qui connaît Dieu nous écoute,
qui n’est pas de Dieu ne nous écoute pas.
C’est à quoi nous reconnaissons
l’esprit de la vérité et l’esprit de l’erreur.

Première épître de saint Jean 3, 22 ̶ 4, 6

Méditation

Le temps liturgique de Noël – très bref – prolonge le moment johannique qu’est la messe du matin de Noël, avec la proclamation solennelle du prologue de l’Évangile de saint Jean. La méditation sur le Verbe éternel de Dieu qui entre dans l’histoire vient corriger les versions infantilisantes de Noël qui enrobent cette transgression majeure d’une gangue sucrée de consommation et de lumières factices. À l’opposé des représentations distanciées d’une divinité impassible et lointaine, l’incarnation de la Parole à l’intérieur de l’histoire humaine conduit à briser les sécurités qui tiennent à distance l’altérité divine. Au moment où une certaine conception magique de l’enfance innocente est valorisée, au bénéfice des marchands de toute sorte, la mise en scène johannique vient rappeler le caractère dramatique d’une lumière qui n’est pas accueillie car elle conteste les logiques de puissance pour valoriser la médiation de la parole et de la chair.
La première lettre de Jean, que nous lisons pendant ce temps de Noël, montre pourtant que cette perception johannique rencontre beaucoup de difficultés à être reçue dans les communautés qui s’en réclament. Ces communautés ont bien compris qu’elles cherchent à vivre d’une lumière divine que le monde refuse, mais elles ont réduit la nouveauté chrétienne à une appartenance qu’elles croient pouvoir maîtriser. Le « nous » de ces communautés vient se cristalliser face à un « monde » plongé dans l’obscurité. L’auteur de cette brève épître cherche donc à corriger avec douceur ces dangereuses illusions. L’appartenance ne sert à rien sans l’écoute d’une Parole qui vient déranger certaines représentations même religieuses dont la pente naturelle est la mainmise sur Dieu.

Pour opérer ce discernement, plus pertinent encore en temps de troubles dans les sociétés, dans les Églises, dans les familles, un unique critère est donné, mais il ne s’impose que de l’intérieur d’une expérience de la fragilité humaine. « Tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu » : tous les mots comptent ici, car la règle de foi ainsi rappelée prend une forme trinitaire. Discerner les esprits revient à discerner l’Esprit, le seul qui nous rend capables de confesser Jésus comme le Christ de Dieu le Père. Cela revient toujours à prendre au sérieux la chair – c’est-à-dire l’ensemble des médiations humaines qui nous permettent d’exister comme sujets, à la fois les corps humains, l’histoire, la politique, etc.
L’un des éléments décisifs de ce temps de Noël est sans doute la crèche, ce « signe admirable » dont parle le pape François dans sa Lettre apostolique du premier décembre 2019. En regardant ces crèches, toujours tissées de références culturelles, nous voilà « tous autour de la grotte et pleins de joie, sans aucune distance entre l’événement qui se déroule et ceux qui participent au mystère. »

Luc Forestier, prêtre de l’Oratoire à Paris.