9 octobre 2020 Editoriaux hebdomadaires3 Minutes

En janvier 2019, Les Pèlerins d’Emmaüs de Pierre-Paul Rubens quittaient la chapelle Saint-Pierre-L’Exorciste pour l’atelier de restauration de la Conservation des œuvres d‘art religieuses et civiles de la Ville de Paris, grâce au mécénat de la Fondation pour l’avenir du patrimoine à Paris. Une restauration est toujours l’occasion d’étudier l’œuvre. Conservateurs-restaurateurs, conservateurs du patrimoine, documentalistes, chimistes, radiologues, régisseurs, photographes se penchent tour à tour sur l’état de la toile, des couleurs, du vernis, sur les circonstances de la création du tableau, son histoire et son parcours à travers les siècles, son arrivée à Saint-Eustache en 1811, la manière de le décrocher, de le transporter en toute sécurité puis de le remettre en place, de l’éclairer, de le valoriser, de l’offrir à tous les regards, au clergé, aux fidèles de la paroisse comme aux visiteurs occasionnels. Dix-huit mois plus tard, il a regagné son emplacement et rayonne de toute sa beauté. Il a été peint par Pierre Paul Rubens, aidé de son atelier, vraisemblablement entre 1608, année de son retour d’Italie et 1611, puisqu’à cette date l’œuvre est déjà gravée par Willem Isaacsz Van Swanenburg et diffusée. Fervent catholique, Rubens s’est intéressé à l’épisode des pèlerins d’Emmaüs selon l’évangile de Luc 24, 14-35 et a mis tout son talent au service des Saintes écritures. Si le tableau semble de prime abord narratif, Rubens réussit cependant à montrer l’invisible et l’indicible. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent. Comment traduire picturalement la révélation divine ? L’observation attentive du jeu des regards permet de comprendre ce qui se produit sous nos yeux : la servante et le jeune serviteur ne « voient » pas, ils regardent ailleurs, ne comprennent pas ce qui arrive et ne reconnaissent pas Jésus alors qu’au même moment les yeux des pèlerins s’ouvrent. La gestuelle de leurs corps le manifeste : mouvement de recul, mains crispées ou ouvertes de surprise. Le Christ regarde vers les cieux et ne les voit plus : il disparut à leurs regards. Les principales lignes de la composition convergent vers le geste eucharistique. Les éléments fondamentaux du texte de Saint Luc sont bien là, transcrits par l’image avec la force, le talent et la foi de l’artiste.

 

Légende : Les Pèlerins d’Emmaüs, huile sur toile, vers 1608-1611, Pierre-Paul Rubens (et atelier)