Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 17-27

En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.

Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit: « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jésus les regarde et dit: « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »

Méditation

Dans sa Lettre au Peuple de Dieu, le pape François invite les baptisés à prendre un chemin de conversion de l’agir ecclésial, à s’engager dans la transformation ecclésiale et sociale : Une telle transformation nécessite la conversion personnelle et communautaire et nous pousse à regarder dans la même direction que celle indiquée par le Seigneur. Comment s’engager sur ce chemin en prenant en compte les données propres à la foi chrétienne, qui ne réduit pas l’Église à son fonctionnement institutionnel, même si un dévoiement de son fonctionnement institutionnel, comme le cléricalisme, peut porter atteinte à sa capacité d’être reconnue comme sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain (LG 1) ? À l’encontre d’une compréhension trop clivée de l’Église entre « clergé » et « laïcat », le pape met en avant la dignité et la responsabilité de tous les baptisés, dans le giron du Peuple saint des fidèles de Dieu. Il parle d’un peuple d’élus et d’appelés, invités et rassemblés par Dieu, un peuple de pauvres pécheurs transformés par la grâce de l’Esprit Saint, en de vivants membres du corps du Christ. Comme tout peuple, il se compose de personnes vivant à des degrés divers, l’appartenance, l’adhésion, la participation et la coresponsabilité, et toutes sont appelées à grandir dans ce qui fait leur vie et leur mission.

Le dialogue entre Jésus et le jeune homme riche éclaire quelques-unes des questions à relever pour s’engager sur ce chemin de conversion. En « bon maître » ou en bon pédagogue, Jésus déplace la question de son interlocuteur qui porte d’abord sur le registre du « faire ». En effet, avant le « faire », Jésus s’intéresse à la finalité spirituelle d’une existence. Une fois situés par rapport à « Dieu seul », il l’amène sur le terrain vocationnel : change de vie, « viens, suis-moi », comme en écho au chapitre 8 du même évangile : Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ?

En effet, malgré l’observance de la loi de Moïse, l’homme demeurait insatisfait : Sa rigueur morale n’épuise pas sa question existentielle qui perdure. Avec empathie, Jésus, l’interpelle sur la nature de son trésor et l’invite à investir dans une autre réalité, le « Royaume de Dieu », ou société d’amour, de justice et de paix. Mais l’obstacle à franchir est trop haut.

La résistance à la conversion est le signe d’un attachement excessif à des « richesses ». Il lie la volonté de celui qui s’interroge sur sa vocation, aux dépens de la liberté avec laquelle il peut véritablement se mettre en mouvement. Ses biens et sa rigueur morale étaient des sécurités dans son monde. Le dialogue avec Jésus lui fait prendre conscience que ces sécurités sont devenues une prison. La tristesse qui conclut l’entretien en est la marque. Dieu seul, par sa bonté, peut lui rendre accessible l’objet de sa quête, à condition de réorienter les données de son existence, de sorte qu’elles soient vécues comme des médiations de l’adoration de Dieu et non comme des obstacles. Ceci concerne aussi la relation à Jésus, comme il le lui fait remarquer au début.

Dans la vie du Peuple de Dieu, y compris dans la relation à son Seigneur, quelles sont donc ces « richesses », appelées à être des médiations de l’adoration de Dieu seul, mais qui sont devenues des obstacles ? Reste à créer les conditions d’un dialogue dans l’Esprit Saint entre tous les baptisés, qui redonne le « flair » nécessaire pour nous engager ensemble sur le chemin de conversion à la suite du Christ et participer à la transformation sociale et ecclésiale que Dieu attend de son Peuple, afin qu’il poursuive sa mission au sein de l’humanité toute entière.

François Picart, prêtre de l’Oratoire